Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

samedi 29 novembre 2014

Apologie de Socrate


" Je n'ai jamais été le maître de personne ; si quelqu'un désire m'entendre quand je parle, et que je m'acquitte de mon rôle, qu'il soit jeune ou vieux, je ne me refuse à personne."

José Aparicio, Socrate enseignant à un jeune homme
via www.fauteusesdetrouble.fr

Dis-moi

Dis-moi ce que tu attends de la vie, dis-moi tes espoirs, dis-moi tes joies !
Mais si tu ne veux pas, tu peux me dire tes peines...




vendredi 28 novembre 2014

Intermittences du coeur


Stéphane Haffner et Emilio Simeoni - Photographie de David Vance - 2013




Proust ou les Intermittences du coeur - Mathieu Ganio et Stéphane Bullion


Un autre regard à l'harmonie

Philip Glass Another look at harmony, part 4



Cette version est bien moins bonne, moins énergique que celle qui avait été donnée en 1976, me semble-t-il, à Paris et enregistrée en direct par France-Musique. J'essaierai de retrouver les détails du lieu et de la date.

jeudi 27 novembre 2014

Saint Sébastien (suite 2)




Ce San Sebastiano de Lorenzo Costa a été peint autour de 1490. C'est un Sébastien très différent du précédent, du Bronzino, puisqu'il le précède d'environ trente cinq ans. La peinture est sage, et le personnage, très juvénile pour un soldat, évoque des traits d'une grande finesse. Son regard est distrait vers d'autres intérêts, et si ses bras semblent attachés derrière son dos, les deux flèches qui l'ont atteint n'ont qu'à peine esquissé une blessure dont quelques gouttes de sang très pâle s'échappent. On voit d'ailleurs que les flèches n'ont pas pénétré son corps, car sa peau reste intacte, mais elles semblent posées presque délicatement, de manière perpendiculaire à la verticalité de la poitrine et du bras.
On remarque la rondeur du visage entouré de cheveux longs, et de l'ensemble se dégage une impression de féminité et de grande douceur. C'est un presque enfant qui est ici représenté par Lorenzo Costa.










Coupe claire

The boy with green hair/Le garçons aux cheveux verts de Joseph Losey sortit en 1948.
Jolie fable, à la veille du maccarthysme qui ébranla les States deux ans plus tard.

C'est Dean Stockwell qui interprète Peter, le jeune garçon, bouleversant dans son interprétation, et déjà grand comédien pour son jeune âge.

"Green is the colour of my true love's hair..."

 




Dean Stockwell - 1960

mercredi 26 novembre 2014

Maniez-vous l'arbalète ?









Passerez-vous, bel ange, au chaud de ma chambrette ?

On y joue le hautbois, on manie l’arbalète !
























A taste of London/Un air de Londres


I was just looking for you, everywhere...
















...on an empty platform;






around what they call the Gherkin






I saw Sam's face on a corner. 
Was he also waiting for you?

 













I saw you on the street, a gloomy street,

Eddie Redmayne


but your eyes were shining like the sun!

 

Jake Bugg - The lightning bolt

mardi 25 novembre 2014

Fauve ≠ - Infirmière



"Il me dit que c'est pas possible, que j'ai un problème, que je suis pédé..."




Green


Green
 
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.

J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encor de vos derniers baisers
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.

Paul Verlaine

 
Paul Verlaine par Paul Marsan, dit Dornac

 

lundi 24 novembre 2014

Le cose cambiano contro l'omofobia






Le cerf-volant du bout du monde

A Montmartre, un étrange cerf-volant appartenant à un jeune Chinois de onze ans qui a joint une lettre se prend dans les branches d'un arbre. Pierrot et sa sœur Nicole le recueillent ; la nuit le curieux personnage peint sur le cerf-volant s'anime et entraîne les deux enfants dans un tour qui les amène au bout du monde, c'est à dire à Pékin à l'époque où Beijing ainsi était appelée.

Grand moment de fraîcheur !

Le petit Pierrot de Montmartre (Patrick de Bardine) a dans ce film un charmant petit accent parisien. On imagine la gouaille qu'il aurait eue s'il avait fait carrière...






Le film de Roger Pigaut et de Wang Kia-Yi sortit sur les écrans en 1958.

dimanche 23 novembre 2014

First kiss e amore gay





de Tatiana Pilieva

via oltrelostretto.blogsicilia.it


L'amore gay : le reazioni dei bambini



L'amore gay : la reazione dell'omofobo

Belle vidéo où ce pauvre garçon s'indigne de l'instrumentalisation des enfants, tout en affirmant qu'un adulte peut faire ce qu'il veut de son corps. De sa main droite, il se frotte les yeux, le nez, les joues, la bouche, se repasse inlassablement les doigts sur le visage pour dire son malaise. 

Si la vidéo qui donne aux enfants un air de liberté, façon "l'important c'est de s'aimer" est sans doute maladroite, le pauvre garçon homophobe devrait s'interroger sur les plaisirs qu'il a pu s'accorder jusqu'alors et tous ceux qu'il s'est interdits...







Diva

La Wally, d'Alfredo Catalani, est un opéra en quatre actes à partir d'un livret de Luigi Illica, présenté pour la première fois à La Scala de Milan le 20 janvier 1892.
Interprétée par Wilhelmenia Fernandez dans le film de Jean-Jacques Beinex Diva, l'aria est un moment particulièrement émouvant où l'héroïne se prépare à se jeter dans une avalanche. On ne sait plus faire ça aujourd'hui. On commence à manquer de neige...


A la voix superbe de Wilhelmenia Fernandez venait, en fond, se rajouter le joli minois de Frédéric Andréi, ce qui ne gachait rien.


Le film fut plutôt raté. Un scénario de bédé assez moyen. Mais il se laisse voir avec  plaisir ; sans l'aria le film n'aurait sans doute pas existé !

samedi 22 novembre 2014

Rite du serpent

La civilisation méditerranéenne, faites de nombreuses cultures, fut autrefois traversée communément par le culte du phallus. Il en reste des traces dans les vestiges de l'Antiquité gallo-romaine, quelques unes plus rares sur les rives méridionales de la Méditerranée. Très rapidement les religions monothéistes, à commencer par le judaïsme, se sont opposées aux traditions païennes. Et cependant, les stratégies culturelles se sont arrangées, en "bricolant" ainsi que le disait Claude Lévi-Strauss, avec des fragments de pratiques antérieures qui se sont greffées sur de nouvelles croyances.
A Cocullo se trouve un rare exemple de ces pratiques où le rite semble s'être fossilisé : au printemps (la date a pu varier, mais la fête a lieu maintenant le premier mai), une procession à saint Dominique est le prétexte à effectuer une chasse aux serpents. Ces derniers accompagnent les processionnaires dans un tour du village, la statue du saint recouverte de ces inoffensifs reptiles qui sont par la suite relâchés.

Archivi Bruni

Le rite a toujours lieu dans ce petit village des Abbruzes. On restera étonné que dans ce cas, où la religion dominante tient la place qu'on connaît  en Italie, la vision diabolique du serpent soit inversée au profit d'une vision plus naturaliste où l'animal devient fécondateur, et pourvoyeur de chance et de bienfaits pour la communauté.




L'Antiquité ne manque pas d'exemples où, successivement, le serpent est ennemi à combattre ou précieux collaborateur d’Esculape pour guérir les maladies. Il est également celui qui connaît l'avenir, et c'est de l'esprit de Python que la Pythie de Delphes rendait ses oracles dans le temple où Apollon était censé avoir tué le serpent.  Celui-ci aurait été enterré ensuite sous l'Omphalos du temple.
















Andrei Gavrilov

Nocturne matutinale de Chopin, ici interprétée à Haifa.


vendredi 21 novembre 2014

Ragazzi e gelati





sono solo di dolce...


Rébétiko - 1

Parler de la Grèce sans évoquer le rébétiko ρεμπέτικο est impossible. Si on se réfère à l'origine du mot, on trouve le terme "paresseux". Le rébétiko est ainsi la chanson des paresseux qui traînaient dans les cafés de Thessalonique d'abord, ensuite d'Athènes et du Pirée, en s'accompagnant du baglama ou du bouzouki. La voix du chanteur est traînante. Dans les années 1920, après la "grande catastrophe" où les Grecs sont chassés d'Asie mineure, les exilés vers la Grèce continentale, touchés par le chômage se retrouvent souvent marginalisés : c'est dans les tavernes, autour d'un verre de vin, d'un café, de la fumée de l'opium que se développe ce blues oriental qui doit à de nombreuses influences avant de devenir, sortant des bas-fonds, la chanson de variété actuelle.

L'un des chanteurs les plus connus est Vassilis Tsitsanis Βασίλης Τσιτσάνης, né en 1915 et décédé en 1984. Ses chansons sont aujourd'hui, dans le répertoire culturel grec, une référence incontournable.



San apokliros ghirizo - Σαν απόκληρος γυρίζω - Comme un exilé je tourne en rond

Voyou







L. m’a téléphoné ce soir. J’ai aimé le son de sa voix, qui était claire, agréable, sans l’ombre d’une goguenardise, comme elle peut l’être parfois, et à la limite de l’arrogance.
Mais je ne suis pas sûr de ne pas aimer également cette arrogance qui lui donne un côté voyou. Je resterai très distant volontairement.

jeudi 20 novembre 2014

Lo specchio maschile di Firenze



Quand l'image publicitaire se fait art des rues...



Paisible matinée








Encore un bel argentin, Pedro Memelsdorff : flutiste, musicologue, qui, après avoir travaillé avec Jordi Savall et Hesperion XX, fonde son propre groupe musical en 1987. Le groupe s'appelle La Mala Punica, et se spécialise en musique médiévale et musique de la Renaissance.




Narcisse se regardant dans l'onde.




mercredi 19 novembre 2014

Jean et Jésus

Dans le billet sur le lacrime di Giovanni, détail d'une peinture d'une Pietà du Perugino, je présentais l'amitié de Jésus pour Jean et réciproquement. En fait il s'agit bien de l'affliction de Jean, Jésus étant mort et non encore ressuscité dans l'histoire légendaire, même si le texte dit "le disciple que Jésus aimait".


Musée du Louvre (©DR) avant 1404

Le Christ de pitié de Jean Malouel, acquis par le Musée du Louvre en 2012, est un exemple magnifique de cette relation de fidélité qui a inspiré les peintres de la fin du Moyen-âge et de la Renaissance. 

La relation ternaire de cette amitié qui permet de recomposer la relation filiale du fait de la mort du Christ (" femme, voici ton fils ") reste d'une relative complexité, puisque par l'identification filiale, l'indication du Christ que Jean est le nouveau fils de Marie revient à le substituer à lui.  
Par ailleurs, la place que tient Jean dans le rang des apôtres est également singulière, comme s'il avait, effectivement, un rôle que les autres apôtres n'ont pas. Dans l'iconographie, Jean, de plus, est le seul apôtre à ne pas porter la barbe, indication soit de son immaturité dans sa place sociale, soit qu'il n'est pas identifié comme un homme social dans la société juive de l'époque. Enfin, il accompagne dans sa mort le Christ, aux côtés de Marie, et parfois représentée, Marie-Madeleine. Or l'accompagnement des morts est normalement dévolu aux femmes, qui permettent aux âmes d'entrer dans le monde de vivants, et inversement de le quitter pour retourner au monde des morts. Est-ce pour cela que, classiquement, les peintres ont d'une certaine façon féminisé la représentation de Jean ?

Escapade azuréenne (suite)


Nice, ville curieuse, ville d'ouverture sur le monde italien, porte toutes ses contradictions d'opulence, de ville populaire, d'outrances avec peut-être ce que je préfère de sa géographie ; une sorte de montagne dans la mer. Les Grecs anciens n'y ont pas été indifférents qui l'ont appelée Victoire: Nikaia, Νίκαια, voici un peu plus de 2350 ans.

 
On y fit du cinéma, du beau : les studios de la Victorine accueillirent en 1943 et 1944 le tournage des Enfants du Paradis, par Marcel Carné, sur un scénario de Jacques Prévert. A la Libération le film fut achevé dans les studios parisiens.

En reste-t-il des traces à Nice ?

En face de Nice, l'autre ville, accrochée elle aussi sur un rocher - car ce serait une erreur de croire que la Côte d'Azur ne serait qu'un long cordon littoral de béton - Antipolis, devenue Antibes.

Une façade du XVIIIe
Le vieux Nice reste évidemment le lieu de tous les charmes d'une ville resserrée sur ses hauteurs et ses maisons hautes avant qu'on ne couvre sa rivière, le Paillon, et qu'une urbanisation galopante dont les Anglais et les Russes furent en grande partie les promoteurs ne viennent brouiller le paysage urbain. A l'origine c'était celui de paysans, de pêcheurs, et de commerçants dans l'attente de navires arrivant ou repartant, comme si le port n'était qu'une étape qui conduisait plus avant vers la montagne...






Essentiellement pour les touristes, la merda di can.






Chez Acchiardo, où l'on parle le niçart, j'ai des souvenirs de stoquefiches mémorables ; on finit le repas à l'eau-de-vie.








Enfin, terminer par des glaces en cornet chez Fenocchio, ça ne s'invente pas...

mardi 18 novembre 2014

Le grand Meaulnes









Le grand Meaulnes fut le livre unique d'Henri-Alban Fournier, dont le nom de plume fut Alain-Fournier. Ce livre est à ranger dans la littérature adolescente. On lira une belle lettre d'Alain-Fournier à sa fiancée, Pauline, où se trouve décrite l'absurdité du système militaire auquel il croit encore cependant : clic avant qu'il ne soit emporté par la tourmente de la Grande Guerre.

Le grand Meaulnes raconte une histoire d'amour, celle d'Augustin Meaulnes pour Yvonne de Galais, mais également la fascination de François Seurel pour son ami.
L'atmosphère reste onirique et tous les ingrédients d'une trame romantique sont réunis : les brumes de la Sologne, un amour qui finira mal, le suicide du frère d'Yvonne de Galais, Frantz, et, de manière très prosaïque, le rôle très sage de François dont le destin sera de reproduire très fidèlement le métier de son père instituteur, à une époque où ceux-ci étaient considérés comme" les hussards noirs de la République".

Jean Blaise
Si on n'a pas lu le livre, on peut se rabattre sur le film. On préfèrera de loin celui de Jean Gabriel Albicocco, sorti en 1967, et servi par des comédiens excellents : Jean Blaise, qui eut une carrière éphémère, Alain Libolt, excellent comédien dont la carrière sert davantage le théâtre. Je passe sur Brigitte Fossey, découverte enfant dans Jeux interdits, avec Georges Poujouly, au destin tragique.

Un remake  - resucée, ça se dit ?- du film sortit en 2006, réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe, Nicolas Duvauchelle dans le rôle-titre, et Jean-Baptiste Maunier dans le rôle de François Seurel.

La dimension onirique parut absente de cette seconde version, et fut, sans doute, ratée. Il est à supposer que les droits du film ne seront plus aussi facilement accordés à un nouveau projet. Si la version de Jean-Gabriel Albicocco peut souffrir d'une approche un peu trop baroque, elle a l'avantage d'exprimer de manière magnifique les élans des jeunes gens à la découverte de l'univers des sentiments naissants de l'adolescence.

Alain Libolt
Pour ma part, j'ai toujours éprouvé une impression curieuse, qui se trouve dans le livre de manière infiniment cachée : la fascination de François pour Augustin Meaulnes, et le transfert qu'il opère de ses sentiments réprimés en aidant Augustin à retrouver Yvonne.

D'une certaine manière, Le grand Meaulnes pourrait raconter ainsi l'impossibilité de François à être autre chose que ce qui lui a été assigné, y compris les sentiments ambigus éprouvés pour Augustin ; situation que je trouve assez bien traduite dans le film d'Albicocco.

Si on rajoute que le film est servi par une photographie magnifique, celle du père de Jean-Gabriel, Quinto Albicocco, et une mise en scène d'excellente qualité, on ne peut que revoir avec un immense plaisir la version d'Albicocco, à replacer dans son contexte des années d'alors...


Un extrait du film est visible ici :

lundi 17 novembre 2014

Bon anniversaire Gaycultes !

Alors que Véhèmes n'a qu'un peu plus d'un mois d'âge, tout maladroit parfois dans la technique blogueuse, il a déjà des lecteurs(trices) que je sais fidèles, et venus d'éclectiques horizons de notre belle bleue. Les statistiques m'ont indiqué l'Australie, l'Afrique du Sud, le Canada, les États-Unis, la Chine, le Brésil... comme lointaines destinations de mes modestes pages, et d'autres encore, plus proches, la Croatie, la Tchéquie...
J'attends les amis Grecs ! έλα !

Je ne pouvais aujourd'hui, pour ses sept ans d'existence, que rendre un magnifique hommage et un immense merci à Silvano et à Gaycultes de m'avoir parrainé, et ainsi donné une lisibilité qu'il m'aurait fallu, seul, beaucoup de temps à obtenir.

Il padrino

Aussi pour allumer de belles étincelles dans les yeux de mes lecteurs (trices), voici quelques images/hommages qui célèbrent l'indispensable déraison qui nous anime pour une gayté heureuse et universelle !



















Bon anniversaire !








Un air d'Athènes

Une des rues les plus passantes d'Athènes, au mois de février, qui relie la rue du Pirée à la célèbre place Syntagma où se trouve le parlement de Grèce.

2010 © Celeos 


 Giorgos Dalaras, dans une des chansons les plus populaires de Grèce :     S'agapo -  σ'αγαπω

Je t'aime, parce que tu es belle, je t'aime parce que tu es ce que tu es.

Σ 'αγαπώ γιατί είσαι ωραία, σ' αγαπώ γιατί είσαι εσύ
S 'agapó̱ giatí eísai oraίa, s' agapó̱ giatí eísai esý
Peut-être un jour entendrons-nous, au masculin, je t'aime parce que tu es beau... :  
Σ 'αγαπώ γιατί είσαι ωραίος...

dimanche 16 novembre 2014

Regret de Lucien Clergue

Albert Lamorisse - Crin-Blanc 1952
Lucien Clergue est parti samedi. Son nom restera associé à la Camargue.


Je ne sais pas pourquoi, il y a des associations qui sont impossibles à ne pas faire : la Camargue, c'est peut-être d'abord Albert Lamorisse, qui tourna Crin-Blanc en 1952. Le film sortit en 1953. Quel rapport entre Albert Lamorisse et Lucien Clergue ?


La Camargue, justement, avec son lot d'imaginaire - de fiction absolue - lié à ce que pourrait être la liberté. Celle d'un cheval que lui procure un enfant.
Il y a ce territoire où des cabaniers ont pensé s'installer en dehors de toute réglementation.

Il y a ce sable où on peut marcher indéfiniment, et de préférence l'hiver à la rencontre de ce que pourrait être l'infini.

Il y a les photos de Lucien Clergue où une reconquête de l'esprit passait par l'image et la photographie. Un simple regret, qu'il n'ait pas davantage photographié les garçons...



Lucien Clergue - Jeune gitan 1952
Lucien Clergue - Nu zébré

J'ai cru t'apercevoir au fond d'une forêt






J'ai cru t'apercevoir au fond d'une forêt.
 
Je t'ai cherché. J'ai appelé. J'ai questionné toute chose qui t'aurait pu voir passer, chanter, danser dans la joie du soleil. Il n'y avait que brindille au sol, pierre sur le chemin. Les feuilles, frémissant, n'ont osé me parler tant elles devinaient mon désir de toi.

 
L'acacia s'est détourné ; le myrte s'est caché. D'autres fleurs n'ont pas voulu m'entendre.

 
Tu étais arbre. Tu étais chêne dont la robustesse me rassurait, tu étais frêne dont les rameaux se tendaient vers moi.



J'ai cherché, cherché encore. Jusqu'au fond du ruisseau dont le murmure m'a appelé. La fraîcheur de l'eau n' a pas apaisé ma soif. J'étais brûlant, frissonnant, pris de fièvres. Je me suis assis, appuyé contre une touffe de roseaux. Je me suis assoupi ; je suis resté près du ruisseau.

 
Pierre Clementi, via Finestagione

Un souffle à peine esquissé m'a éveillé.[...]

(à suivre ?)

samedi 15 novembre 2014

Finocchio !

Voici quelques semaines je lançais une vaste enquête pour connaître l'origine de l'insulte italienne finocchio dont le sens français est "fenouil", lorsque j'évoquais Pinocchio (voir http://vehemes.blogspot.fr/2014/10/pinocchio-finocchio.html).
L'ami Silvano a également, de son côté, questionné assidûment son lectorat, m'a-t-il dit, et notamment Xersex dont l'italianité n'est plus à avouer.
Cyril, dont la sagacité est tout autant remarquable, m'a fort bien  indiqué de consulter le jardin de Jean (http://www.giovannidallorto.com/cultura/checcabolario/finocchio.html) qui s'est interrogé également sur la question.
J'emprunte ainsi à l'occasion à notre ami italien Giovanni Dall'Orto la photo d'une belle affiche détournée en incitation au coming out. Je préfère le voir ainsi qu'en acte homophobe : "Je soussigné déclare être un gay" à gauche, "Je soussigné déclare être un pédé" à droite. Oui, pédé me semble rendre plus justement le sens de ce terme que "fenouil". Personnellement, je trouve ça plutôt drôle !



Mais ça ne nous dit pas d'où vient le terme. Giovanni Dall'Orto précise que son usage est récent : 1863, au sens de frocio, "pédé", et l'étymologie paraît assez obscure, aucune hypothèse n'apportant d'explication vraiment convaincante.
La première mention serait qu'un finocchio est quelqu'un d'un peu stupide, se trompant sur le bon goût de préférer les hommes aux femmes, tant la norme sociale paraît une évidence. Un finocchio serait donc d'abord un imbécile.
Le terme se serait répandu après l'unité italienne sur l'ensemble du pays, mais aurait bien une origine toscane, les termes de frocio et de recchione lui faisant concurrence. Anciennement, on retrouve  buggerone, forme, sans doute, de notre "bougre" médiéval, c'est à dire originaire de Bulgarie, au sens où les mœurs dépravées ne peuvent venir que de l'étranger, c'est bien connu, et bardassa "berdache", au sens de transgenre, avec une origine qui serait persane. J'y reviendrai un jour en évoquant cet aspect dans les sociétés exotiques.

L'étymologie rappelée par Giovanni Dall'Orto serait multiple : si on tire un trait rapidement sur une pseudo étymologie latine fenor culi "prostitution sodomite", il reste à considérer l'anecdote selon laquelle on mettait dans le feu des fenouils pour recouvrir l'odeur de chair brûlée des sodomites que l'on avait condamnés au bûcher. Si comme le dit notre ami Giovanni, l'usage du terme n'est pas connu avant 1863, cette hypothèse paraît bien improbable. Elle a l'avantage d'être très imagée et d'abonder au folklore gay, dont le milieu lui-même est plutôt friand.



Ce serait l'anglais fagfaggot qui viendrait donner un peu de poids à cette idée. Là encore, il paraît bien improbable que le terme fag qui signifie "corvée", "fatigue", "mégot" par extension ait pu trouver son origine dans les bûchers destinés aux homosexuels condamnés à mort. Il faut y voir davantage l'idée de mépris rattachée à ce sens, comme quelque chose de peu intéressant, et de condamnable. Entre fag et faggot, il y a sans doute un jeu de mot, car si faggot signifie bien "fagot" pour un feu ou un bûcher, il n'y a là pas plus de logique de continuité qu'entre "pédé", abréviation de "pédéraste", issu de paidi/παιδί "enfant", "jeune homme" et erastes/εραστής "amant", et celle de "pédale", qui est un terme dérivé de pes, "pied". Là, seule l'euphonie et le goût de la langue de diversifier les termes pour un sens unique intervient, en français comme pour l'anglo-américain.

Alors, que conclure, sous peine d'être trop long et de lasser mes lecteurs ?

Eh bien sans doute que derrière finocchio, on a vraisemblablement aussi un jeu de mot multiple où l'on trouve, derrière l'innocent légume à l'odeur si plaisante, le sens fino occhio, l' "oeil fin", fino culo, le "cul fin" - ai-je besoin de préciser le sens ? - tout cela résumé dans un légume de peu de valeur. Sans doute n'en fallait-il pas davantage pour donner à ce terme de finocchio une notoriété qui aura dépassé les frontières de la Toscane. Quant au sens actuel, revendiquer le terme, n'est-ce pas lui permettre de lui attribuer aujourd'hui d'autres valeurs et d'en faire également un prétexte de fierté ? Sono finocchio ! En dégustant une tranche de salame finocchiona, arrosée d'un excellent chianti, et en terminant par un caffè ristretto ! Buon appetito!

Une femme-fleur, Hélène Martin

Je déplore souvent de ne pas trouver de chanson d'amour chantée par un garçon à destination d'un autre garçon. René Crevel reprochait au texte de Proust de parler d'Albertine alors qu'il était notoire que Proust parlait d'Albert. Il est possible que les temps qui viennent puissent corriger cet excès de pudibonderie, et qu'enfin dans des médias de grande écoute l'amour d'un garçon pour un autre garçon soit enfin audible.
De manière paradoxale c'est une jeune femme, Hélène Martin, qui rend possible la chose, et c'est sans doute le Condamné à mort de Jean Genet qui n'était pas destiné à devenir chanson qui restera le texte de référence en la matière. Elle met le texte en musique en 1962-1963.


 Mais c'est malgré tout un truquage : parce que le texte va au-delà de l'intention d'un seul texte de chanson, et à travers l'hommage de Jean Genet rendu à Maurice Pilorge et  le rejet de la peine de mort sublimée en geste héroïque, la reconnaissance de ce texte ne permet pas la banalisation des amours masculines, comme si la singularité de Jean Genet, et sa volonté de demeurer toute sa vie dans un monde de marginalité ne laissait pas de place à l'acceptation simple de la différence des normes amoureuses.
Je parlerai prochainement de Nicolas Bacchus, peut-être une rare exception à cette règle. Je n'ai aucun souvenir d'avoir vu mentionner son nom sur un média, fût-il une radio communautaire. Il y a encore du chemin à parcourir, nous le savons.

Il fallut sans doute attendre les affrontements avec l'extrême droite du groupe Occident venu perturber la pièce Les paravents au Théâtre de l'Odéon, pour que le nom de Jean Genet devînt assez communément détesté par la presse traditionnelle, alors que lui-même n'était pas connu du grand public.




Quant au texte du Condamné à mort, publié d'abord aux éditions l'Arbalète, c'est en 1964 qu'Hélène Martin l'interprète pour la première fois en public. Son travail fut ensuite sans cesse mis en valeur, et on ne compte plus les interprétations jusqu'à celle, relativement récente, d’Étienne Daho, et de Jeanne Moreau.






L'anecdote veut qu'elle n'ait jamais rencontré Jean Genet, qui se faisait souvent fuyant, et que comme Hugo, il ne souhaitait pas d'abord que l'on mît en musique le texte qui était cette lumière pour la guillotine de Maurice Pilorge.


Maurice Pilorge, assassin de vingt ans
Par des amis commun, Hélène Martin fait passer en 1963 à Jean Genet une bande magnétique. Genet lui répond :


 " Vous avez une voix magnifique. Chantez Le condamné à mort 
quand vous voudrez et où vous voudrez. Je l'ai entendu. Grâce à vous il était rayonnant. 
Amicalement. 
Jean Genet."

Le site  d'Hélène Martin est ici, où elle rend hommage à Jean Genet, et aux poètes : clic