Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

samedi 1 novembre 2014

De l'art. Brut

Visite à un vieil ami peintre il y a quelques jours. Il est très âgé, a connu la Ruche enfant pendant les Années folles et la plupart des résidents qui œuvraient là, y compris Soutine.  Mais ce dernier avait déjà une belle notoriété, et avait fui les lieux pour d'autres perspectives. Plus tard, il a côtoyé Brancusi, Niki de Saint-Phalle, Tinguely, César...

Marcel Storr

Nous parlons de son art, qui s'apparente à l'art " brut " tel que Dubuffet l'avait défini. Monde à part, en rupture. Je ne suis pas sûr que mon vieil ami connaisse vraiment la Collection de l'art brut de Lausanne, où j'avais découvert les œuvres d'Aloïse Corbaz. J'en parlerai un jour. Nous nous disputons également sur le Plancher de Jeannot, œuvre étonnante d'un schizophrène conservée à l'Hôpital Sainte-Anne à Paris. Dans cette floraison d'artistes tous plus étonnants les uns que les autres, où l'on retrouve également un Gaston Chaissac, je lui évoque ce qui aujourd'hui a succédé à l'art brut tel qu'il s'exprimait encore voici quelques années.
L'art des rues, le street art, a donné des lettres de noblesse à de très belles œuvres. Je lui parle de ceux qui me tiennent à cœur, et notamment des Américains dont l'influence a permis à des artistes français de se libérer de formes trop classiques. Je lui dis mon intérêt pour Keith Haring, Jean-Michel Basquiat...

Keith Haring


- Ah, oui, la pédérasterie nouillorquaise de Warhol ! Sans intérêt !

Je reste sans voix. J'aimerais lui dire que lorsque sa famille, autant biologique qu'intellectuelle, s'est échappée des affres du totalitarisme, elle apportait des regards nouveaux sur la perception du monde et qu'elle a dû également se confronter à des conservatismes très lourds.

Je ne réponds pas. J'aimerais également lui rappeler que tous les peintres, artistes, architectes de la Renaissance, n'étaient pas de purs hétérosexuels, loin de là ! Et ceux qui ont magnifié le corps des femmes savaient de manière indistincte célébrer la beauté sans exclusive.

Jean-Michel Basquiat- 1982 © Photo Paige Powell

Je suis un peu atterré. Vais-je lui dire également mon goût pour les garçons et pour la beauté de leurs corps, auxquels  je suis plus sensible qu'à celui des femmes ?
Peut-être suis-je un peu lâche, ou peut-être sais-je pertinemment qu'il ne sert pas à grand chose d'argumenter face aux conventions et aux certitudes. Il n'y a pas à s'imaginer que le monde de l'art serait moins sensible à l'homophobie ordinaire.
Dois-je lui en vouloir ? Je sais qu'il a beaucoup aimé les femmes. Hélas peut-être de cette manière qu'ont certains hommes de ne s'entourer que d'objets utilitaires...

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