Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

jeudi 4 décembre 2014

Campo dei fiori

 A Noël les incartades de L. ont failli me rendre fou, m'ont rapproché du néant. Ce n'était pas un chagrin d'amour, mais seulement le sentiment d'une immense trahison. L'amitié que je lui portais lui a été un mauvais cadeau. Son orgueil démesuré reste son pire ennemi. Je le lui ai dit avec toute la force des sentiments que je gardais encore pour lui.
Photo Stefano Bonili



Le départ pour Rome s'est décidé comme une sorte de prophylaxie, pensant effacer les brouillons de ce mauvais temps.
Mon séjour ne m'a pas suffisamment rasséréné. Je suis passé Piazza Navona, à Campo dei Fiori cherchant vainement le souvenir de J. et n'ai trouvé qu'une mauvaise trattoria, qui passait une musique sans saveur.

Notre auberge s'affichait alors à la Grande ourse. "Le ciel peut s'éveiller, les étoiles fleurir..."
Je ne suis pas l'homme qui marche, je suis celui qui marche mal, qui boite indéfiniment. Ce n'est pas le passé qui me rattrape ; c'est moi qui essaie de rattraper le passé, qui n'existe pas, qui n'a jamais existé. C'est moi que je cherche, que je n'arrive pas à retrouver, faute de n'avoir pas
accepté le néant quand il se présentait.

Les fantômes me croisent, me laissant désemparé. Je crois voir les visages, les longs doigts de J.,  sa grande veste de velours côtelé où il planquait les bouteilles de vin volées, son visage narquois et son regard espiègle. Mais ce ne sont que fanions qui flottent au vent, une porte qui renvoie une lueur dans un vicolo. Ce n'est plus la musique d'une trompette qui sonnait, à Campo dei Fiori, ce n'est que le vent, muet, qui me renvoie à ma surdité.


Les murs se parent d'affiches de deuil pleurant l'assassinat de PPP.

 

Dans le bus un jeune garçon au beau visage porte une improbable casquette. Son visage est brun, celui d'un jeune Romain. Il porte un anneau à l'oreille. Il me paraît si frêle, si tendre.

Où est passé J., où suis-je moi-même, dans quelles brumes me suis-je évanoui ?
J'ai regardé le jeune Romain ; je n'ai pas osé esquisser un sourire.  Peut-être a-t-il vu que je le regardais. Mais il n'y avait que tendresse dans mes yeux. Son regard était apeuré, qu'il a tourné vers la vitre du bus, comme perdu vers une rive lointaine.

 Les étoiles au ciel s'étaient évanouies.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Cette écriture est infiniment touchante.
Est-ce de vous Céléos?

Le ciel s'annonce gris, aujourd'hui dans nos régions du nord ; que le soleil se lève en votre coeur.
Marie

Celeos a dit…

Merci Marie. Il m'arrive de m'épancher. Merci pour votre vœu de soleil qui me visite parfois. Je vous souhaite aussi beaucoup de lumière ; le Nord n'en est pas dépourvu.