Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

jeudi 30 avril 2015

An so it is

I'm at the window, waiting for birdies, uccelacci e uccelini.


 Photo Ikorian And so it is, selfportrait, via Deviantart

Made in Belgium : tintinophilie

Dira-t-on assez ce que la culture française doit à la Belgique, tant en ce qui concerne l'humour que l'imagination débridée ? Petit retour sur celui qui incarna Tintin au cinéma, Jean-Pierre Talbot, dans des films qui ne sont pas inoubliables, mais qui appartiennent à une période d'ouverture sur le monde !


mercredi 29 avril 2015

James Whiteside - You Rascal You










Jacques Douai - Le Condamné à mort



Dans les vidéos de Youtube consacrées au Condamné à mort de Jean Genet, il manquait la version chantée par Jacques Douai, il faut l'avouer, peu connue. Réparation est faite : je l’ai mise en ligne.

Quelques mots sur Jacques Douai : né en 1920, décédé en 2004, il appartient à ce qu'on appelle la chanson "Rive gauche" de la vie culturelle parisienne dont Juliette Gréco est, aujourd'hui, la dernière représentante à continuer le spectacle, bien qu'elle ait annoncé récemment au Festival de Bourges l'arrêt de son tour de chant - elle est née elle-même en 1927.

Il n'est pas utile de rappeler le parcours de Jacques Douai, sauf à dire que sa carrière, tournée vers la chanson à texte et de tradition littéraire folklorique, fut relativement marginale, et un peu confinée à des scènes intimistes.

Il emprunte à Hélène Martin la mélodie qu'elle avait composée, et qui aujourd'hui s'est tellement imprégnée au texte de Jean Genet qu'il n'est pas imaginable d'en penser une nouvelle, bien que rien ne soit interdit.

L'interprétation de Jacques Douai apparaît classique : une voix claire, limpide, peut-être un peu surannée, mais très belle par l'espèce de neutralité qu'elle donne au texte, détachant chaque syllabe et laissant toute la tragédie s'imposer.

On sait aujourd'hui, après les recherches de François Sentein et les lettres que Jean Genet lui a écrites[1] qu'il n'a jamais rencontré Maurice Pilorge, sorte de double de lui-même ayant accompli ce que la haute morale de Jean Genet lui interdisait en réalité à lui-même : le meurtre[2]. Jean Genet avait été, un peu plus jeune (il a vingt-neuf ans lors de l'exécution de Maurice Pilorge) en même temps que Maurice Pilorge à la « colonie pénitentiaire » de Mettray. Mais rien ne dit qu’ils se soient vraiment connus. Le texte de Genet en dédicace finale précise ce pour quoi Pilorge est pour lui cet « enfant » admirable : il a dévalisé de riches villas sur la côte [d’azur] et a tué son amant Escudero pour moins de mille francs. Soit un crime faussement vénal, et le vol dans des villas, que toute personne éprise de justice sociale ne peut qu’applaudir. Pilorge est ainsi le contrepied du modèle que la société bourgeoise veut faire appliquer, contrepied qu’il faut expurger par tout moyen. La guillotine, instrument faussement républicain et humaniste, est l’outil de prédilection de cette justice. Ou encore le bagne de Cayenne, qui ne disparaît légalement qu’en 1938, mais perdure en fait jusqu’en 1953 avec le retour, quand c’est possible, des derniers bagnards.

Peu importe en réalité que Jean Genet ait connu Maurice Pilorge. Lorsque ce dernier est condamné à mort, Jean Genet suit par la presse les informations de sa condamnation, et malgré les erreurs de dates qu’il commet, il vit l’agonie et le panache[3] précédant la mort de celui dont il dit qu’il est l’ami. Tahar Ben Jelloun dit de Jean Genet qu’il était un « menteur sublime ». Sans doute comme tout artiste capable de vivre en pensée sensible ce que vit celui auquel il voue une sorte de passion. Si nous percevons aujourd’hui, de manière très éloignée ce que put être la vie de mauvais garçons - sans en être à aucun moment nostalgique ! - à l’orée de la Seconde Guerre mondiale, la force du texte, porté par la musique de la grande Hélène Martin, nous touche encore au vif.


[1] Jean Genet, Lettres au petit Franz, Gallimard, 2000.

[2] Voir Albert Dichy et Pascal Fouché, Jean Genet Matricule 192.02. Chronique des années 1910-1944, Cahiers de la NRF – Gallimard, 2010 : p. 325-332.


[3] Maurice Pilorge semble n'avoir agi de manière aussi « gratuite » que pour rechercher cette mort : n’attendant pas la grâce présidentielle, il avait écrit au Président de la République pour réclamer son exécution le plus rapidement possible.




mardi 28 avril 2015

Soumission ?

Ne courbe pas la tête, jamais !


Giorgos Xristou/Γιώργος Χρήστου - Tha Me Koitas Sta Matia/Θα με κοιτάς στα μάτια

Regarde-moi dans les yeux

Petite étude sociologique aujourd'hui, avec cette vidéo sur un texte chanté par Giorgos Xristou : on passe tout de suite sur les paroles qui n'ont aucun intérêt (regarde-moi dans les yeux, tu m'as mis le cœur en pièces, que serais-je sans toi, tes yeux m'ont transpercé, que vais-je faire, où cours-je, dans quel état erré-je, bref je t'aime et tu n'as pas intérêt à aller voir ailleurs sinon je ne me retiens pas ; en fait ce n'est pas du tout la traduction des paroles, ne vous y fiez surtout pas !).

Non l'intérêt de cette petite vidéo est dans ce qui n'est pas dit. D'abord le look du garçon, macho à souhait, ni trop ni trop peu, cheveux courts (plus long c'est pour les filles), petite bande de barbe sous la lèvre inférieure pour rappeler qu'il a du poil ; sous une veste décontractée il porte une petite chemise à col tunisien s'ouvrant sur un torse imberbe et doucement halé pour donner envie, petit bracelet brésilien au poignet droit, il marche le long d'un port et sur les fesses porte un jean stonewashed artificiellement usé, de ceux qu'on porte pour montrer qu'on est un dur travailleur qui a usé ses fringues prématurément. Ou qu'on fait semblant d'être habillé de manière négligée.

Est-ce au Pirée ? Je ne reconnais pas. Puis entrent dans un bar-lounge trois jeunes filles (look américain façon Farrah Fawcett, c'est un peu daté !) suivies par deux garçons, et enfin le Giorgos. Cette fois, il porte une chemise noire à manches longues retroussées, sur un pantalon de ville, chemise largement ouverte sur le même torse précédemment décrit. Il va saluer d'abord les garçons : il serre la main droite qu'il ramène sur son cœur tandis qu'il claque une bise double à chacun. Il passe à la fille dont il est apparemment amoureux : petite caresse sur l'épaule droite. Pas de rapprochement plus avant qui pourrait traduire une étape dans le désir.

Retour sur le port : on était dans un court flashback. Le garçon est torturé par son désir amoureux : retour au lounge il la regarde en coin, voit qu'elle le regarde ; ils n'osent pas se dire quoi que ce soit. Il vont se rencontrer au coin d'un trottoir. Ils se frôlent, mais ce n'est pas encore le moment. Enfin sur le port, ils se rencontrent : la distance entre eux s'arrête à cinq centimètres, et la morale est sauve : ça n'ira pas plus loin.

Allez, je ne vais pas vous le faire trop long, mais comme ce clip illustre bien toute l'hypocrisie des relations sociales entre les sexes ! Qu'ils soient masculin ou féminin d'ailleurs, hypocrisie véhiculée par la chanson de  variété, de quelque pays qu'elle provienne : seul le mariage permet d'institutionnaliser la relation amoureuse, et dans la société grecque, la relation avec les garçons, beaucoup plus tactile comme on le voit, permet parfois de pousser beaucoup plus loin les relations pourvu qu'il n'y ait pas entre les corps un autre type de relation qui serait extrêmement condamnable !

lundi 27 avril 2015

Viendras-tu ce soir ?




Canço del Lladre

Chanson du voleur, tirée du répertoire traditionnel catalan, pour commencer la semaine de labeur.
"Adieu œillet sombre, adieu, étoile du jour !" dit la chanson. Le destin du voleur est de perdre la vie pour ses méfaits !
La voix ici est celle, superbe, de Ferran Savall.



Cançó del lladre

Quan jo n'era petitet
festejava i presumia,
espardenya blanca al peu
i mocador a la falsia.
Adéu, clavell morenet!
adéu, estrella del dia!
I ara, que ne sóc grandet,
m'he posat a mala vida.
Me só posat a robar,
ofici de cada dia.
Adéu, clavell morenet!
adéu, estrella del dia!
Vaig robar un treginer
que venia de la fira,
li prenguí tots els diners
i la mostra que duia.
Adéu, clavell morenet!
adéu, estrella del dia!
Quan he tingut prou diners,
he robat també una nina,
l'he robada amb falsedat,
dient que m'hi casaria.
Adéu, clavell morenet!
adéu, estrella del dia!
La justícia m'ha pres
i en presó fosca en duia.
La justícia m'ha pres
i em farà pagar amb la vida.
Adéu, clavell morenet!
adéu, estrella del dia!

dimanche 26 avril 2015

Il pleut dans ma chambre



Mais ce n'est pas grave, juste l'occasion de rallumer un peu de feu pour se faire sécher !










Pensée népalaise/Thinking of Nepal

Lorsque ce n'est pas la folie des hommes qui intervient, c'est la nature qui peut se déchaîner sans égard pour la vie, pour les traces de l'histoire, semant le désarroi en laissant les spectateurs du chaos hébétés et désemparés. Je sais que Véhèmes est parfois lu au Népal, et j'adresse à ces lecteurs, s'ils peuvent encore lire ce message, toutes mes pensées d'amitiés et de solidarité. 

When this is not the madness of men which intervenes, it is nature that can explode without regard for life, for traces of history, sowing confusion by leaving them dazed and helpless spectators of the chaos. I know Véhèmes is sometimes read in Nepal, and I address these players, they can still read this message, all my thoughts of friendship and solidarity.

Les séismes touchent les hommes, et le témoignage matériel de leur culture :
Earthquakes occur in men, and their cultural heritage:
La place Durbar de Katmandou, en 1950 et après le séisme actuel. Photo de
Kashish Das Shrestha @kashishds

Les temples se relèveront ; hélas pas les morts.
Men will rise up the temples; unfortunately not the dead.

Hal et Louia

Celeos est vénère, méchant, et de mauvaise foi.

On me pardonnera un mouvement d'humeur pour commencer cette semaine (eh oui, la semaine commence ordinairement par un jour de repos, c'est-y pas bath ? Vu que le samedi est le septième jour de la semaine et termine alors celle-ci... Mais revenons à notre propos) Je n'aime pas la télévision, vraiment pas. Mais je ne dédaigne pas regarder de temps en temps quelques variétés, parmi lesquelles l'émission The Voice que nos amis canadiens ont le bon goût d'appeler La Voix. Et que les Français dans leur médiocrité générale s'obstinent à prononcer Ze (Voice). En France, pays autocentré, on s'accommode très bien de l'à-peu-près puisque l'on prône préférentiellement l'entre-soi... Il n'est cependant pas difficile de placer la langue contre les dents pour former le phonème [ð] présent dans beaucoup de langues autres que l'anglais : le castillan, le grec, l'arabe, pour n'en citer que quelques unes. Enfin c'est ainsi.

The Voice, donc. Prenez un garçon fromager, venu de la France profonde. Décollez-lui légèrement les oreilles (c'est terriblement érotique, les oreilles). Rajoutez-lui une casquette façon Poulbot sur le crâne. Mettez-lui de grands yeux bruns et chauds comme un bon chien de garde qu'on emmène pisser le soir contre la poubelle des voisins. Donnez-lui un peu de coffre, et faites-le rêver que, puisqu'il a une belle gueule comparativement aux meules de Comté qu'on lui fait soulever pour l'affinage, ça suffit pour chanter. Chanter, pour la plupart des gens, c'est émettre des sons sur des fréquences différentes, pas plus. Et ça vous fait The Voice. Le jeune garçon fromager ne comprend pas l'anglais, et annonce qu'il va chanter la reprise de Jeff Buckley, Hallelujah, en fait la chanson de Leonard Cohen, mais qu'il ne connaît apparemment pas.

Le garçon fromager n'a pas de souffle, s'il a un peu de voix et de vibrato, et reprend régulièrement à contretemps sa respiration. J'imagine qu'avec une pareille oxygénation la tête doit lui tourner, au moins autant qu'à cause des sunlights présents sur la scène. Et notre garçon se lance dans Hallelujah avec le charisme d'une boîte de camembert usagée. J'enrage. Qui a vu et entendu Leonard Cohen, l'auteur, Jeff Buckley, qui a revisité la chanson et lui a donné une acuité sans égale, il faut au moins comprendre le sens du texte et saisir qu'il exprime les difficultés de communication entre deux êtres dont l'auteur prend Dieu - s'il existe - à témoin. Bien évidemment, le grand dadais n'en saisit rien. Il fait son beau (il a de très beaux yeux de vache - et j'aime beaucoup les vaches - qu'il a affinés également en regardant ses belles meules). "Ça s'est bien passé", dit-il à Nikos Pataugas (enfin un nom comme ça, je ne me rappelle pas). Pas de souffle, pas de rythme dans la manière de chanter, pas de nuance.

Puis le même benêt fait un duo avec avec Josh Groban (il faut bien meubler la soirée en attendant le résultat des votes des téléspectateurs). Du Magicien d'Oz, la chanson écrite pour Judy Garland Over the rainbow. Une catastrophe. Du yaourt. Visiblement, le pataud lourdaud ne comprend rien à ce qu'il essaie de chanter, et son regard paniqué en direction de Josh Groban en témoigne.

Cette fois j'en suis sûr : la France profonde des chaumières va bien voter pour lui, qui représente le triomphe de la gaucherie sublimée par la belle gueule.

 
Je ne me trompe pas : c'est bien sa belle gueule qui permet aux adolescents prépubères de se reconnaître en lui et de se persuader que ne rien foutre à l'école peut être compensé par un radio-crochet aussi débilitant que méprisant pour la chanson puisque celle-ci ne sert que de faire-valoir narcissique à des jeunes gens incultes prêts à se transformer en produits de consommation vite jetables. Le très réjoui Kenji Girac, vainqueur de l'émission-concours de l'an dernier fournit une belle preuve de néant culturel. Pauvres voix, qui pourraient servir de plus belles émotions !

Enfin, je préfère terminer sur une note plus optimiste : souhaitons au garçon fromager une longue carrière, par exemple comme celle de Mireille Mathieu, qui apporta à un précédent président de la République française son cordial soutien par une belle chanson digne d'elle et de lui. L'actuel président devrait se représenter en 2017 : le garçon fromager a le temps de se faire écrire une chanson sur les vertus du Flanby et du Comté réunis.

Pour faire passer ma mauvaise humeur, je vous offre Hallelujah par Rufus Wainwrignt, un vrai chanteur, et un garçon très sensible...

Que ce dimanche vous soit agréable et doux aux oreilles et aux yeux .






samedi 25 avril 2015

Toujours recommencée

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
O récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux !

[...]
Paul Valéry  - Le cimetière marin

Brad Gosney par Brett Kiellerop

Las Hurdes - Tierra sin pan

En écho au billet sur Joselito présenté récemment, voici un documentaire de Luis Buñuel, Tierra sin pan. Las Hurdes, tourné en 1932. Il n'est pas possible, évidemment, de proposer la lecture de ce film sans l'assortir d'un minimum de commentaires.

Présenté au public en 1937, ce documentaire est une réalité-fiction au sens où il s'agit, en s'appuyant sur une thèse de géographie humaine, d'illustrer la situation sociale et économique dans une petite région d'Estrémadure, en Espagne. Si le propos du cinéaste est de montrer, tout en la dénonçant, la pauvreté et la misère du milieu rural de cette période qui vit arriver la République et la démocratie en Espagne, ce propos s'accompagne également d'une volonté de mettre l'accent sur une situation que la bourgeoisie et la monarchie espagnole ont laissé se dégrader : c'était également une situation semblable qui se retrouvait, en Italie et peut-être de manière moins accentuée, mais à peine, en France.

Il s'agit donc à travers ce film de justifier l'action de la République et de montrer à quel point la société espagnole, vivant de fatalité, de pratiques rituelles traditionnelles parfois contestables et cruelles, doit changer pour permettre à chacun d'évoluer dans ses droits, dans son mode de vie.

Pour les besoins du film, il fallut tuer un âne et une chèvre ; ces éléments nous heurtent aujourd'hui. Ils renforcent le sentiment de cruauté voulu par Luis Buñuel. L'équivalent français de ce documentaire qui comporte, rappelons-le, des parties de mises en scène, fut le célèbre film de Georges Rouquier, Farrebique, sorti en France en 1946, et qui n'a pas tout à fait la même intention que celle de Buñuel.

Ce film est donc à voir avec toute la distance du temps, et il faut dépasser quelques images qui nous choquent aujourd'hui pour prendre la mesure des difficultés qui ont été celles d'une population rurale abandonnée. Bien évidemment le film fut longtemps censuré, à différentes périodes. On ne peut voir ce film sans se référer également au travail de l'anthropologue Colin Turnbull sur les Iks, société de l'Ouganda qui, déstructurée par des raisons externes, se sert de la pratique de la cruauté pour survivre.

En 1975, Peter Brook utilisa le travail de Colin Turnbull pour étendre la réflexion de cette notion de cruauté dans un monde déstructuré pour l'appliquer à nos sociétés contemporaines. Quarante ans après, on peut concevoir que cette réflexion soit toujours d'une cuisante actualité.




vendredi 24 avril 2015

L'eau, la vraie

Il faut du sel dans les saveurs de la vie, la mer sans fin, et non pas les limites tristes d'une piscine sans imagination !


Νίκος Βέρτης - Nikos Vèrtis - Θύμωσε απόψε η καρδιά/Thimose apopse i kardia

Un peu de variétés grecques : Níkos Vèrtis n'est pas désagréable à écouter et encore moins à regarder, même si ses chansons ne resteront certainement pas inscrites dans l'anthologie de la chanson grecque !

jeudi 23 avril 2015

Dialogue forestier

Peut-on faire feu de tout bois ?


Escapade londonienne - 1

Quelques instants choisis d'une escapade londonienne fournissent des images toujours réjouissantes de ce qui est d'abord des ambiances, que ce soit dans le métro, dans les pubs. Comment les exprimer, alors qu'elles paraissent toujours insaisissables, jouent sur l'effet d'exotisme qui paraît davantage rassurer qu'inquiéter ?

Pour autant la sympathie qu'évoque Londres est encore chargée de souvenirs que nos aînés ont pu connaître aux grands moments des seventies : les quartiers de Soho et Carnaby Street exhibaient des boutiques de fringues aussi déjantées que colorées ; tavernes et pubs étaient les lieux de passage incontournables où la pop music pouvait librement s'écouter. Les Beatles et la famille royale jouaient dans une espèce de même registre folklorique dont ils n'étaient chacun qu'une facette singulière, et le même kaléidoscope  - the girl with kaleidoscope eyes - servait à tout un chacun pour essayer son regard sur cet environnement si étrange.




Ce qui pourrait résumer Londres de manière aussi incongrue que satisfaisante est la maison de John Soane, comme si Londres s'était arrêtée dans une période indéfinie du XIXe siècle. On s'attend ainsi à voir surgir de niches improbables des objets tous plus hétéroclites les uns que les autres tandis que des grooms ou des banquiers font tourner la boutique des clients et des affaires comme si rien ne changeait jamais.
Hélas, les années Thatcher ont marqué Londres comme le reste de la Grande Bretagne. Les privatisations de services publics ne sont pas achevées, et comme partout en Europe le sentiment de fatalité apparaît installé, comme si de rien n'était, comme si la Grande Bretagne n'était plus que celle de Harry Potter. Suffit-il de s'imaginer Londres entre Peter Pan, fossilisé à Hyde Park, et celle d'un quai improbable à Victoria station ou dans n'importe quelle station de métro ?

Si gay est le terme, le monde n'est pas gay, loin s'en faut. Londres s'émeut, à juste titre, des bateaux de migrants qui font naufrage, et l'Europe se pense assaillie de ceux qui n'ont plus que la fuite comme solution de survie contre la barbarie. Et qui voient la Grande Bretagne, dont ils parlent parfois la langue, comme terre de refuge. Retour de visite d'une ancienne - pas si ancienne, d'ailleurs - période coloniale où la Grande Bretagne s'était constituée comme l'une des grandes puissances de ce monde ?









La Grande Bretagne va voter en mai pour choisir un nouveau gouvernement. Bipartisme tranquille oblige, le jeu se fera entre Cameron, conservateur et Miliband, travailliste. La pauvreté qui progresse en Grande Bretagne comme ailleurs fera peut-être pencher la balance en faveur du Labour.
Une impression est sûre : La Grande Bretagne ne sortira pas du tunnel pour autant - ou du channel, c'est selon...

mercredi 22 avril 2015

Tu es dans mes cordes

Et, finalement, je me suis beaucoup attaché à toi !


Via Deviantart - Photo Josemanchado - Modèle : Pedro

Museo NoveCento Firenze

Maurizio Nannucci Everything Might Be Different - 1988



Franco Grignani Torsione radiale -1965


dimanche 19 avril 2015

Je t'avais invité...

...pour un repas sage. De quoi te plains-tu ?


Cantigas de Santa Maria

Les Cantigas de Santa Maria sont attribuées au roi castillan Afonso El Sabia, qui est davantage l'initiateur de ce recueil de cantiques que son véritable auteur.
La vignette d'illustration montre que le Moyen-âge sut marier cultures occidentales et orientales.
Jordi Savall et Hisperion XXI offrent ici un extrait de ces Cantigas dont l'adresse à la Vierge Marie vient, malheureusement dans un repli idéologique du temps, effacer les chansons, planhs chantés pour célébrer les amours charnelles et spirituelles avec l'être aimé.

Que ce dimanche vous soit beau et ensoleillé de bel amour.



samedi 18 avril 2015

Notre couple était au bord du gouffre


Meet me at the window

Joselito canta "Granada"

José Jiménez Fernández, dit Joselito

Les enfants prodiges ont généralement des destins étranges : adulés pendant leur enfance, le talent qui les a portés pendant quelques années et qu'on leur a unanimement accordé leur devient objet de souffrance. Perdus dans une époque qui ne les reconnaît plus pour ce qu'ils étaient, ils s'évanouissent comme des étoiles mortes.

En fait, ces enfants disent davantage de la société pour laquelle ils ont joué un rôle éminent que d'eux-mêmes qui, en fin de compte, n'existent pas en dehors de leur aptitude artistique. C'est sans doute le destin de Joselito, "l'enfant à la voix d'or", le "rossignol andalou" - pardon je m'égare, ça, c'est Federico García Lorca - qui fut l'enfant utile pour permettre à l'Espagne de retrouver une image acceptable après l'effroyable guerre civile, et permettre de sublimer la pauvreté d'après la Seconde guerre mondiale où les enfants vivaient nus dans des villages exsangues (je n'exagère pas, même si c'est une vision forcément réductrice. Je prévois bientôt un documentaire de Buñuel qui ne sera pas sans commentaires, mais l'Espagne fut aussi cela).

Oublions ainsi le Général Franco, tyran narcissique - n'est-ce pas un pléonasme ? - dont l'image abreuvait toute correspondance avec l'Espagne sur les timbres-poste. Avec l'image d'un enfant à la voix pure, orphelin dans le premier film tourné par Joselito - Le petit vagabond/El pequeño Ruiseñor - les deux éléments d'une reconquista idéologique (la religion salvatrice et la miséricorde de Dieu d'un côté, le folklore et le talent miraculeux de l'autre) sont proposés comme moyens de s'identifier à une nouvelle Espagne amnésique des années précédentes.

Si l'enfant d'alors a encore une voix de crécelle dans le premier film, il a déjà acquis pour autant une incroyable maîtrise technique, et en quelques années il fait preuve d'une maturité vocale professionnelle. Mal lui prend de grandir : il fait quelques films arrivé à l'âge adulte, mais son image ne correspond plus aux attentes de ce nouveau temps. La Movida espagnole efface bientôt toute trace, ou à peu près, de la période où l'enfant à la voix d'or fréquentait Elvis Preslay, Giovanni XXIII, Che Guevara et Fidel Castro !
Je me suis laissé dire que Joselito chantait encore... Je n'aurai pas la cruauté de proposer de vidéo de lui aujourd'hui chantant.

Joselito dans Le petit vagabond - 1956


jeudi 16 avril 2015

Nos baisers, profonds et chauds




Printemps athénien/Athens springtime

Rêve d'un printemps athénien

Athènes en mars - Photo Celeos
Quelques fleurs de printemps, à Athènes, disent ce bonheur
de voir, à chaque fois, la nature généreuse dans laquelle on souhaiterait se fondre
quand, à la joie du soleil, marchent de beaux garçons. 

Ils s'attablent aux terrasses des cafés pour déguster des frappés. 
Ils s'assoient sur les marches qui vont aux musées ou à l'école Polytechnique.
Ils manifestent dans la rue, la voix et le verbe hauts, pour dire qu'ils veulent marcher sans jamais courber la tête, 
les mains tendues pour dessiner le chemin du pays qu'ils rêvent à chaque pas, nommant les bois, 
les sources,
les pierres dont ils feront les murs. 
Non pour tracer des frontières,
mais pour poser des seuils aux maisons
où, sans regarder qui vient frapper, 
ils ont appris à accueillir.

Ils vont nus, le regard posé
vers l'horizon sans limite de la mer d'où ils sont arrivés, 
où ils retourneront.

mercredi 15 avril 2015

Avril est traître

Mais tu connais les risques de ses sourires aguicheurs !


Evocation de Federico García Lorca

   Federico García Lorca (1898-1936, assassiné par des miliciens franquistes).

Sonnets de l'amour obscur

Ay voz secreta del
amor oscuro

¡Ay voz secreta del amor oscuro!
¡ay balido sin lanas! ¡ay herida!
¡ay aguja de hiel, camelia hundida!
¡ay corriente sin mar, ciudad sin muro!


¡Ay noche inmensa de perfil seguro,
montaña celestial de angustia erguida!
¡ay perro en corazón, voz perseguida!
¡silencio sin confín, lirio maduro!


Huye de mí, caliente voz de hielo,
no me quieras perder en la maleza
donde sin fruto gimen carne y cielo.


Deja el duro marfil de mi cabeza,
apiádate de mí, ¡rompe mi duelo!
¡que soy amor, que soy naturaleza!


Voix secrète
 
Ô voix secrète de l’amour obscur !
Federico García Lorca y Salvador Dalí

ô bêlement sans laine ! ô vive plaie !
ô aiguille de fiel, fleur étouffée !
torrent loin de la mer, ville sans murs !

ô nuit immense avec un profil sûr !
cime céleste d’angoisse dressée !
cœur aux abois et voix persécutée !
silence sans limite et iris mûr !

Fuis loin de moi, brûlante voix de glace.
Tu ne veux pas me perdre au labyrinthe
où gémissent sans fruit et la chair et l’espace.

Laisse le dur ivoire de ma tête
et prends pitié de moi, mets un terme à mes larmes :
je suis amour, je suis nature vierge ! ...


traduction d'André Belamich

lundi 13 avril 2015

Je cherche mon pinceau

Es-tu sûr de ne pas y être suspendu ?


Le clan

Le film de Gaël Morel, Le clan, est sorti en 2004, réalisé à partir d'un scénario de Gaël Morel et Christophe Honoré.
Sur cet extrait, quelques moments tendres entre Olivier (Thomas Dumerchez) et Hicham (Salim Kechiouche).





dimanche 12 avril 2015

Des ronds dans l'eau

Les journées chaudes s'annoncent... Les ablutions aussi !

© Michaël Bidner



Alexandre fait son Jean-Seb

L'excellent Alexandre Astier endosse le personnage de Johann Sebastian Bach pour une petite leçon de musique. Où les musiciens français en prennent pour leur grade...
Passez un excellent dimanche !



samedi 11 avril 2015

Pêcheur de truites

Rien de tel que pêcher la truite à la main, à armes égales. 
Personne n'a jamais empêché les truites de pêcher les hommes, d'abord.


Délices des cœurs

Il y avait, dans le Sidjistâne[1], un personnage connu sous le nom d'Abou'l-Fadl al-Chouroûtî[2] qui prisait par dessus tout les adolescents dont l'âge avait sensiblement dépassé celui de la puberté. Comme on le voyait tourner un jour autour d'un groupe de garçons beaucoup plus jeunes, quelqu'un s'étonna.
- J'ai appris, répondit-il, qu'une épidémie de peste décimait en ce moment les tout jeunes garçons. Je n'ai plus qu'une seule crainte : qu'ils trépassent avant d'atteindre leur puberté. Ce que je rêve alors d'obtenir d'eux plus tard m'échapperait alors à jamais !

Yahya Ibn Mahmoud al-Wasiti, illustration du Maqam d’Al Hariri (Xe siècle).
 
Deux homophiles s'associèrent pour chasser ensemble leur gibier favori. Mais l'un appréciait surtout les très jeunes garçons, alors que l'autre avouait une préférence pour ceux qui avaient franchi le cap de la puberté. Ils ne perdaient ainsi aucune occasion de se traiter l'un l'autre de « vicieux », chacun d’eux adressant à son compère de durs reproches sur sa façon d’agir. Il en allait ainsi depuis quelque temps lorsque l’amateur de jeunes garçons se trouva pris sur le fait et fut traîné au tribunal du gouverneur avec le gamin qu’il avait séduit. On lui administra une bonne dose de coups de fouet, après quoi on l’obligea à déambuler à travers les rues de la ville en portant son mignon sur l’épaule. Son compagnon le rencontra au cours de cette promenade infamante :
- Je  t’avais bien prévenu, lui dit-il, d’avoir à te méfier de tes propres habitudes, de crainte justement de te voir subir un jour la peine qu’on vient de t’administrer.
- Tais-toi ! fit l’autre. Tu es un sot ! Si j’avais accepté de te suivre dans la voie qui est la tienne, j’aurais en ce moment à supporter le poids d’un grand garçon au lieu d’un petit, et, dans l’état où je suis, j’en aurais eu les os du cou très proprement broyés !

L’écrivain tunisien Ahmad al-Tîfâchî écrivit Les Délices des cœurs au XIIIe siècle. Le Moyen-âge, qu’il fût occidental ou oriental, fit éclore une grande liberté d’esprit, de mœurs et de ton.
Les Délices des cœurs, traduit par René R. Khawam, est publié aux éditions Phébus.



[1] Au sud de la ville de Merv, en Perse.
[2] Historien du début du Xe s.

vendredi 10 avril 2015

jeudi 9 avril 2015

Doux rêves en blanc


Via Blamboyz

Temps pascaux

Benvenuto Cellini Crucifix - 1562



Un instant de philosophie stoïcienne par ces temps pascaux : Monty Python, Life of Brian/La vie de Brian.

Ce film de Terry Jones, déjà bien ancien (1979), prend aujourd'hui un goût particulièrement amer si l'on songe à certaines parties du monde. Pour autant, il n'est pas un instant question de ne pas faire de cet humour grinçant un moyen d'être plus fort que la bêtise et la haine.



mercredi 8 avril 2015

Tes yeux tristes.../Τα θλιμμένα ματιά σου...



Τα θλιμμένα ματιά σου με καυλώνουν - "Tes yeux tristes me font bander."

Firenze, ti amo

      Vive le tourisme : je ne ferai point de rupture conventionnelle. Vous avez droit au Ponte vecchio. Pourquoi s'en priver ?




Et pourquoi ne pas se donner le vertige (en restant au sol, tout de même) du clocher de Santa Maria del Fiore. Toutefois je ne vous ferai pas le Dôme aujourd'hui.













Si on pense à Laurent le Magnifique, parlant de Florence, on ne saurait oublier l'un de ses plus grands hommes, Nic' Mac'*, dont un buste trône au Palazzo Vecchio.








 



A San Marco, Domenico m'a fait une Cène, au prétexte que Giovanni, qui avait sans doute été un peu lourd sur le vin, roupillait dans l'assiette del Gesù.




On passera sur les détails.


 





Un peu dépité toutefois que ces gens d'un autre âge soient aussi rigides, j'ai terminé la journée à la Feltrinelli, une chaîne de librairies restaurants où l'on peut trouver d'agréables jeunes gens d'excellente compagnie...
























* Nic' Mac' pour les intimes, mais plus officiellement Niccolò Machiavelli (Nicolas Machiavel si l'on veut traduire son nom en français).