Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

jeudi 2 avril 2015

Com Nárcis en la fònt



Quan vei la lauzeta mover

de joi sas alas contra-l rai

que s’oblid’e-s laissa chazer

per la doussor qu’al cor li vai

ai ! tan grans enveia m’en ve

de cui qu’eu veia jauzion

meravilhas ai car desse
lo cor de dezirier no-m fon.






Quand je vois l’alouette

agiter ses ailes de joie au rayon du soleil,

qui s’oublie et se laisse choir de la douceur qui lui pénètre le cœur,

ah ! quelle grande envie me vient de tous ceux que je vois gay!

et je m’émerveille qu’aussitôt mon cœur ne fonde point de désir.



Hélas ! que je croyais savoir en amour,

et comme j’en sais peu,

car je ne puis m’empêcher d’aimer celui dont je n’aurai jamais aucune faveur,

il m’a pris mon cœur, il m’a pris lui-même,

et moi-même et le monde entier,

et quand il me prit ainsi, il ne m’a laissé que désir et cœur impatient.

 

Je ne suis plus maître de moi et je ne m’appartiens plus

depuis l’heure où il me laissa regarder dans ses yeux,

en un miroir qui me plaît beaucoup.

Miroir, depuis que je me suis miré en toi, les soupirs profonds m’ont tué,

car je me suis perdu comme se perdit le beau Narcisse en la fontaine.

 

Les garçons me mettent en désespoir, jamais je ne me fierai en eux,

autant je les défendais,

autant je les attaquerai puisque je vois qu’aucun ne me vient en aide

auprès de celui qui me détruit et m’humilie,

je les crains tous et m’en méfie,

car je sais qu’ils sont tous les mêmes.



Puisque, auprès de mon mec ne peuvent me secourir ni prières,

ni merci, ni mon bon droit,

et qu’il ne lui plaît pas que je l’aime,

jamais plus je ne le lui dirai ;

c’est ainsi que je me sépare de lui et que je renonce ;

il m’a tué et je lui réponds comme un mort,

et je m’en vais, puisqu’il ne me retient pas,

misérable, en exil, je ne sais où.

 

Tristans, vous n’aurez plus rien de moi,

car je m’en vais, misérable, je ne sais où.

Je m’abstiens de chanter et j’y renonce

et je me soustrais à la joie et à l’amour.

Pcnc (pour copie non conforme) Bernart de Ventadorn (circa 1175)

4 commentaires:

Silvano a dit…

Belle adaptation !

Celeos a dit…

N'est-ce pas ? On ne sait plus parler aux hommes aujourd'hui !

The Narrow Corner a dit…

Lu et approuvé.

Archivé.

Celeos a dit…

@another country : j'ai mis quelques textes de cette teneur au début du blog (dont Black is beautiful).