Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

samedi 13 juin 2015

La fleur de châtaignier


Au mois de juin, avec ces chaleurs, on se surprend à observer la nature, à humer les odeurs suaves des fleurs, des arbres. Les lis sont en pleine floraison, et les châtaigniers commencent à se couvrir de chatons jaunes qui m'interpellent de leur fragrance particulière. Et le Divin Marquis, qui s'y connaissait, avait même raconté comment le châtaignier, si proche de l'homme par ses caractéristiques nourricières, par la beauté des fibres de son bois, par la douceur de ses châtaignes au moment de l'automne, était encore plus proche de la nature de l'homme qu'on ne le supposerait...
 
« On prétend, je ne l'assurerais pas, mais quelques savants nous persuadent que la fleur de châtaignier a positivement la même odeur  que cette semence prolifique qu'il plut à la nature de placer dans les reins de l'homme pour la reproduction de ses semblables. Une jeune demoiselle d'environ quinze ans, qui n'était jamais sortie de sa maison paternelle, se promenait un jour avec sa mère et un abbé coquet dans une allée de châtaigniers dont l'exhalaison de fleurs parfumait l'air dans le sens suspect que nous venons de prendre la liberté d'énoncer.


 

— Oh mon Dieu, maman, la singulière odeur, dit la jeune personne à sa mère, ne s’apercevant pas d’où elle venait… mais sentez-vous, maman, c’est une odeur que je connais.


— Taisez-vous donc, mademoiselle, ne dites pas de ces choses-là, je vous en prie.


— Et pourquoi donc, maman, je ne vois pas qu’il y ait de mal à vous dire que cette odeur ne m’est point étrangère, et très assurément, elle ne me l’est pas.


— Mais, mademoiselle…


— Mais, maman, je la connais, vous dis-je ; monsieur l’abbé, dites-moi donc, je vous prie, quel mal je fais d’assurer maman que je connais cette odeur-là.


— Mademoiselle, dit l’abbé en pinçant son jabot et flûtant le son de sa voix, il est bien certain que le mal est en lui-même peu de chose ; mais nous sommes ici sous des châtaigniers, et que nous autres naturalistes, nous admettons en botanique que la fleur de châtaignier…


— Eh bien, la fleur de châtaignier ?


— Eh bien, mademoiselle, c’est que ça sent le f… »


Donatien Alphonse François, Marquis de Sade - Contes licencieux

De toute évidence, il n'y a pas que les chatons (les fleurs) qui évoquent l'anatomie masculine...

7 commentaires:

Silvano a dit…

C'est avéré. Je cherche désespérément dans le commerce un désodorisant à base de cette fragrance...

estèf a dit…

Merci pour ce texte. Mes châtaigniers sont en fleurs depuis peu, je vais dès demain en vérifier cette fragrance dont le mâle caractère m'avait échappé !

Celeos a dit…

@ Silvano : c'est commercialisé parfois sous un autre nom que "fleur de châtaignier", mais quelques vieux mouchoirs peuvent faire l'affaire...

@ Estèf : en tout cas, vers chez moi c'est frappant : les vallées sont en rut dès qu'il fait chaud !

Anonyme a dit…

Certes, mais la bogue pique...
Marie

Celeos a dit…

@ Marie, tous les fruits savent se laisser déguster, pourvu qu'on ait pris le soin de les approcher avec doigté !

Annaëlle a dit…

Je ne suis pas une enfant, ni prude mais je ne comprends pas à quoi il fait référence dans la phrase " Eh bien, mademoiselle, c’est que ça sent le f… "

Celeos a dit…

À la fin du XVIIIe siècle, on n'écrit pas, dans un livre de contes, le mot "foutre", Annaëlle. Le texte paraît bien innocent aujourd'hui !