Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

jeudi 30 juillet 2015

Attendre la vague


Dites, ne dites pas... Pierre Louÿs

L'écrivain Pierre Louÿs a de nombreuses qualités, parmi lesquelles son goût pour l'érotisme. Il mystifia une partie de son lectorat avec Les chansons de Bilitis censées avoir été écrites par une contemporaine de Sappho et découvertes dans un tombeau. Ces chansons célèbrent l'amour entre Bilitis et ses conquêtes féminines : elles sont une ode à la sensualité, et maintes fois j'aurais aimé trouvé leur équivalent pour les amours masculines. Cela reste sans doute à écrire.


De ces Chansons de Bilitis, voici « Tendresses » 

« Ferme doucement tes bras, comme une ceinture, sur moi. O touche, ô touche ma peau ainsi !
Ni l'eau, ni la brise de midi ne sont plus douces que ta main.

Aujourd'hui, chéris-moi, petite sœur, c'est ton tour. Souviens-toi des tendresses que je t'ai apprises la nuit dernière, et près de moi qui suis lasse agenouille-toi sans parler.

Tes lèvres descendent de mes lèvres. Tous tes cheveux défaits les suivent, comme la caresse suit le baiser. Ils glissent sur mon sein gauche ; ils me cachent tes yeux.

Donne-moi ta main, elle est chaude ! Serre la mienne, ne la quitte pas. Les mains mieux que les bouches s'unissent, et leur passion ne s'égale à rien. »

Dans les curiosités coquines qu'écrivit Pierre Louÿs se trouve le Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation, écrit en 1917 et publié en 1927, à titre posthume. Un article de Libération présente ce Manuel... c'est ici : clic 

Un internaute a eu la bonne idée de nous en lire quelques extraits :

mercredi 29 juillet 2015

Ragazzissimo in Serenissima



Le revirement d'Alèxis Tsípras

On se rappelle le discours de François Hollande au rassemblement du Bourget avant l'élection présidentielle de 2012 : « [...] Cet adversaire, c'est le monde de la finance. »

Trois ans après, la situation en France montre un pays dont les seules avancées progressistes sont de nature sociétale et non sociale. Bien au contraire, les reculées dans le monde du travail, ce que l'on appelle pudiquement « les réformes », c'est à dire l'abandon de toutes les luttes pour un travail rémunéré à son juste prix, le financement des retraites... tout est passé à la moulinette du Père Ubu, en l'occurrence la loi Macron, fourre-tout inacceptable qui montre l'absence de pensée politique de ceux qui nous gouvernent.

Ce document réalisé en avril 2012, est un exemple de la manière dont se trament les « réorganisations » à l'échelle européenne. Comment, dès lors, ne pas comprendre les moyens de persuasion utilisés par François Hollande auprès d'Alèxis Tsípras, il y a peu de temps, pour le ramener à la raison des financiers européens ? 

Les payeurs seront, évidemment, ceux de toujours. Les moyens ont changé : Augusto Pinochet, aidé par la CIA, organisait un coup d’État militaire au Chili en 1973 ; il n'est, aujourd'hui, plus besoin de coups d’État militaires : il existe un coup d’État financier permanent à travers le monde, et l'Europe en particulier...



Le plan de bataille des financiers from lesmutins.org on Vimeo.
Un sujet de François Ruffin, réalisé par Olivier Azam - Les Mutins de Pangée avec Fakir et la-bas.org / Avril 2012 -. Pour donner suite voir www.lesmutins.org

mardi 28 juillet 2015

Il court le runner


Jean Lebrun - Faire couple

Le grand Jean Lebrun, historien qui éclaire chaque jour un fragment d'histoire dans La marche de l'histoire sur France Inter, raconte la relation avec son compagnon Bernard Costa, journaliste de mode, qui avait entrepris un ouvrage sur Coco Chanel, avant que le sida ne le terrasse en 1990. Une histoire de couple qui mêle une entreprise intellectuelle et une relation où l'émotion a encore une très grande place par delà la disparition. Comment le travail entrepris peut-il se continuer quand son initiateur n'est plus présent ? Comment le couple continue lorsque l'une des personnes du couple s'efface...



lundi 27 juillet 2015

Clavier estival

Yuliya Podlinnova, Musician, 2010.

Ásgeir

En complément de mon billet de samedi évoquant l'Islande, je vous parlais de ces « forces de la nature » taillées pour affronter les éléments naturels...

Les chanteurs islandais ne sont pas légion à être connus dans le reste de l'Europe. Ásgeir ( Ásgeir Trausti Einarsson, fils d'Einar, donc ! ) est un ancien champion de sport, paraît-il (ne me demandez pas de quoi, je m'en fous !). On a un petit peu entendu cette chanson sur les ondes françaises. Ça n'a pas fait le même tabac qu'en Islande ! C'est gentil, ça se laisse écouter, même si on ne se le repassera pas en boucle toute la journée. Le clip vidéo semble inspiré des séries pseudo médiévales un peu bas de gamme, hélas. Le roi et la croix, chacun son imaginaire !

Commencez bien la semaine !


dimanche 26 juillet 2015

Einstein jeune/Young Einstein

Et je le trouve très beau !


Erik Satie/Alexandre Tharaud

Quoi de mieux qu'une Gymnopédie d'Erik Satie (la première) pour commencer un dimanche, qui plus est, interprétée par l'excellent Alexandre Tharaud ?

Je rappelle pour les beaux esprits que vous êtes, que gymnopédie signifie « enfant nu », hommage aux guerriers morts au combat dans la Grèce ancienne. Je ne sais pas si Satie composait avant de nommer son travail, mais je préfère imaginer, loin de toute guerre, la fraîcheur d'un jeune garçon dansant au lever du soleil. Je ne doute pas que Satie y ait été sensible. Que voulez-vous, on a ses faiblesses !

Je vous souhaite un excellent dimanche !

samedi 25 juillet 2015

Roseau sauvage



Temps glaciaires

Je viens de terminer le dernier Vargas en date. Temps glaciaires. J'aime bien Vargas. Et pourtant, chaque fois je reste sur ma faim, comme une lecture inaboutie. Comme si, dans les milliers de pistes explorées, il fallait s'arrêter, faute de temps, faute de moyens de l'esprit pour aller jusqu'au bout de la seule piste qui compte.

Temps glaciaires nous entraîne dans deux sens apparemment très opposés, et géographiquement, et dans le temps : l'Islande d'un côté, la Terreur de l'autre. L'Islande, ce pays qui nous semble impossible, habité par des forces de la nature capables de résister aux pires froids, aux tempêtes, qui ne pourraient toutefois subsister sans la pêche pour nourrir leur corps, sans le volcanisme pour nourrir leur esprit, et, accessoirement mettre à leur disposition des bains d'eau chaude d'où ces forces viriles ressortent pour se précipiter dans la neige.

Jules Verne nous avait appris que c'est par chez eux que l'on pénètre la terre pour en découvrir le centre. L'aboutissement est en Sicile, où les roches encore brûlantes permettent de revenir en des lieux plus cléments à travers des méandres impossibles.

La Terreur, que l'on a apprise à l'école, est personnifiée par quelques noms dont Maximilien de Robespierre reste la figure de proue. Danton, Desmoulins, Saint-Just, l'entourent, autour d'une guillotine aussi sinistre qu'elle rend peu sympathique cette période de l'histoire française.
L'Islande : glace et feu
C'est entre ces deux points d'appui que l'enquête d'Adamsberg se déroule, dans ses errances intellectuelles, entouré de personnages et de policiers tout aussi improbables qu'ont pu l'être les acteurs de la Terreur.

C'est sans doute ce qui fait l'intérêt des romans de Fred Vargas : savoir la complexité des êtres, tous faits de tics, de tocs, jusqu'aux animaux qui ne se départissent pas d'une nature humaine. Complexe comme elle l'est également : elle est archéologue de métier et son travail s'apparente à une enquête de police ; son frère est un spécialiste connu de la Première Guerre mondiale : tous deux ont cette culture de la recherche de vérité que la police et la justice, que les sociologues et ethnologues essaient d'entrevoir, pas forcément avec les mêmes méthodes d'ailleurs, en ayant le sentiment qu'ils passent toujours toujours à côté de la seule vérité intéressante... Elle s'est également beaucoup investie dans la défense de l'ancien brigadiste rouge Cesare Battisti dont elle a contesté l'extradition réclamée par l'Italie.
Fred Vargas au Brésil

Ses romans, comme beaucoup de romans policiers, explorent la marge de l'esprit humain : qu'est-ce qui déraille dans le sens commun pour trouver une autre voie qui fasse sens ? Quand on a posé la question, il suffit de laisser aller son écriture et tout vient avec, comme le besoin de se délivrer des saloperies dont le genre humain est capable, qui fait de si belles histoires.

La Terreur : je n'ai jamais été passionné par cette période, trop sanguinolente, dont l'instrument de musique préféré, la guillotine, nous est restée si longtemps pour rappeler le sort que le collectif sait faire aux individus. Le vice et la vertu. Extirper le vice de la nouvelle société. Qui peut dire le vice, et, le disant, croire qu'on ne l'incarne pas également ? La vertu est-elle la seule proclamation de la liberté, de l'égalité, de la fraternité, aussitôt oubliées au nom de l'intérêt général ?

L'Ancien Régime ne me paraît pas plus enviable : la seule raison que nous avons vraiment est de penser dans le présent, qui n'est déjà pas si facile. Il fallait autrefois être un étudiant d'Albert Soboul, spécialiste de la Révolution française pour trouver un intérêt à la prise du pouvoir des institutions par la bourgeoisie et ses clercs, et en garder les ornements, les ors affligeants, les draperies poussiéreuses passés de l'Ancien Régime à la nouvelle République. J'étais bien trop jeune pour être étudiant d'Albert Soboul, et François Furet liquida le catéchisme pseudo républicain de la République auto convaincue de ses choix avant que je puisse jamais m'intéresser à cette période qui déboucha sur les dictatures les plus effrayantes se réclamant de l'esprit des Lumières, qui comme l'esprit du 11 janvier 2015, n'a pas plus de pertinence que le beurre en broche.


Maximilien de Robespierre
Mais je m'égare. Un peu, pas vraiment. Peut-être ai-je l'esprit digressif à la manière du commissaire Adamsberg, qui va chercher sous les latitudes improbables les éléments dont il a besoin pour faire fonctionner ses neurones.

Chez Vargas, ce qui reste étonnant, c'est souvent soit l'absence de femmes, soit des personnages féminins dont les rôles restent très secondaires. Un peu comme dans les bandes dessinées : Hergé, mais sans aller jusqu'à Pétillon dont le Jack Palmer est le anti héros absolu. Pas de femme remarquable, donc, sauf Violette Retancourt, qui n'est justement pas un modèle féminin. Et Camille, avec qui Adamsberg a des relations compliquées et qui n'apparaît pas dans Temps glaciaires. Pas de femme à la féminité éprouvée, mais comme tous ces hommes qui hantent commissariat, vieilles baraques, ne sont pas non plus plus des modèles masculins. Disant cela je m'interroge aussi : qu'est-ce qu'une femme à la féminité éprouvée ? Apparence vestimentaire ? Maquillage ? Phéromones déterminant le côté canon de la dite femme féminine, appelant autour d'elle un lâcher de testostérone ? Le contraire donc d'une femme voilée ?

Et pourtant j'ai toujours l'impression que ces hommes décrits par Fred Vargas, malgré leurs devoirs rendus à la normalité : métier, travail, relations hétérosexuelles dont des enfants sont nés...  restent dans une révérence, souvent non avouée, à la masculinité, quelle qu'en soit ses formes, et jusque dans celles les plus caricaturales. Je m'interroge toujours : qui est gay, dans ses personnages, dont on ne saura rien de son désir pour un autre garçon ?

Je parlais précédemment de sentiment d'inaboutissement des personnages, inaboutissement qui en fait des alcooliques, des rêveurs, des assassins, des artistes, des historiens, peut-être tous à la recherche d'un modèle inexistant, tellement idéel qu'on renonce une fois pour toutes à l'imaginer. C'est sans doute ce à quoi réussit son écriture : faire naître le besoin de parler, parler encore de ces êtres mal foutus, qui arrivent toutefois à s'accorder pour un temps donné, provisoire, jusqu'au prochain déséquilibre qui remet tout en cause. Comme à chaque fois qu'on s'est raté avec un garçon et qu'on ne sait pas vraiment pourquoi.


Jacques Gamblin, façon Harcourt
Oui, ces personnages sembleraient issus d'une institution spécialisée où les manies sont acceptées sans qu'on ne les considère jamais comme des troubles du comportement. Là, chacun compose une tesselle de cette mosaïque qui prend forme dès que l'on prend un peu de recul. Et à chaque fois, dans l'improbabilité d'un scénario se reconstitue une forme d'aventure légendaire. Ici l'Islande, la morue, la Terreur, la guillotine.

Quand je ferai un film d'un bouquin de Vargas, je ne prendrai pas Jean-Hugues Anglade pour Adamsberg, et encore moins José Garcia, qui personnifia le commissaire dans Pars vite et reviens tard, réalisé par Régis Wargnier. Jean-Hugues Anglade reste le Zorg de 37,2 le matin, L'Homme blessé de Chéreau, celui qui ne m'avait convaincu dans aucun de ces deux films. Jai toujours été étonné qu'on ne pense pas à Jacques Gamblin, comédien exceptionnel dont chaque prestation est une précision nouvelle de son travail d'acteur. Il sera formidable comme Adamsberg.

La canicule n'est pas encore tout à fait passée ; c'est à mon sens une raison suffisante pour lire, si ce n'est déjà fait, Temps glaciaires. On a parfois l'impression qu'ils sont devant nous, ces temps glaciaires.

vendredi 24 juillet 2015

Un vent léger me ramenait vers toi


Jordan Barrett by Thom Kerr

La fin de Têtu ?

Yannick Barbe, le directeur de la rédaction du journal Têtu, rappelait dans son éditorial du numéro de l'été le danger financier dans lequel se trouvait cet organe de presse.

Le journal L'Obs annonçait hier soir la fin de Têtu, devenu, selon les termes de Didier Lestrade, co-fondateur de l'association Act Up et de Têtu, un journal « mou du cul », au sens où le mensuel, qui est davantage porté par les informations « tendance » de la vie gay, a sans doute raté le coche de la militance nécessaire au moment où les offensives des anti mariage pour tous demandaient sans doute non une invisibilité des réactions, mais, au contraire, une mobilisation encore plus forte contre les comportements archaïques et homophobes.

Quelles que soient les raisons réelles en fait qui amènent Têtu à cette situation, il est regrettable de voir disparaître à la fois un organe de presse et le seul journal ouvertement gay en France.

Je ne l'achetais pas souvent, n'y trouvant que peu de mes intérêts, avec une relative absence d'articles de fond, comme si le comportement gay devait être, depuis toujours, une affaire de bluettes, de marques de sous-vêtements, de vie nocturne et de lieux à fréquenter dans la différence du comportement hétéro.

Bref, Têtu n'était pas très convaincant à mes yeux. Mais c'est grand dommage, on n'est pas obligé non plus, quand on est gay, de ne s'intéresser qu'à des choses sérieuses, n'est-ce pas ?

jeudi 23 juillet 2015

The only place to be


Photographie Alex Stoddard

L'immeuble Yacoubian

Le film L'immeuble Yacoubian, de Marwan Hamed,  est tiré du roman du dentiste égyptien Alaa al-Aswany publié en 2002 en langue arabe et en 2006 pour la traduction française. La narration de la vie quotidienne de l'immeuble, vue comme une description de la société égyptienne montre de manière édifiante les contraintes qui s'exercent entre les individus, quels que soient leurs sexes, leurs professions, leurs orientations sexuelles... Oserais-je dire que ce récit est à la fois frais et violent ?


mardi 21 juillet 2015

Emergeant des fougères

Émergeant des fougères une lune aux croissants a éclairé ma nuit

 

Bach to Africa - Jean-Sébastien, sauce africaine


Sankanda - Lasset uns den nicht zerteilen Ne nous laisse pas nous diviser...

Voilà qui n'aurait pas déplu, comme musique, à PPP !


dimanche 19 juillet 2015

Saint Sébastien (suite 9)

Camille Corot est plus connu pour ses paysages qu'on apparente à la peinture impressionniste dont il fut un précurseur. Ses portraits sont tout aussi intéressants, et ce saint Sébastien, unique semble-t-il dans son oeuvre, est remarquable. Il a quitté, s'en inspirant toutefois à partir de conventions que l'on connaît bien, l'aspect religieux de son personnage pour en faire un jeune homme à l'expression rêveuse, presque triste, dans un arrière-plan paysager sans soleil, au ciel assombri  sans présence rédemptrice.

Corot joue ainsi avec une lumière faite de toutes les nuances de gris, à peine teintés d'un vert rappelant qu'il s'agit d'un paysage végétal ; c'est une lumière dans laquelle il exprime le sentiment d'un corps sans souffrance apparente, mais alangui, dans une attente qu'on ne sait définir. Le corps de Sébastien appartient ici au paysage, et n'en n'est qu'un des éléments, caractérisé par sa présentation en premier plan.

La flèche, stylisée, qui perce son côté gauche n'est pas un corps étranger, mais partie intégrante de son corps qui ne saigne pas. On reste étonné par la douceur sans outrance de son visage, presque résigné d'être ainsi fondu dans la nature qui demeure la touche de Corot.

Camille Corot Saint Sébastien ca 1850-1855

Helmut Guth

Bon dimanche !

Helmut Guth - Le Regard

Helmut Guth - Vers Cully

samedi 18 juillet 2015

Pink nerium oleander

et non Pink narcissus, bien qu'il ait quelques raisons d'apprécier sa propre image...



La crème napolitaine

Mario Merola - Lacreme Napulitane

Pour faire une tranche napolitaine de vie, il faut des Napolitains qui feront des immigrés, par exemple sur le sol américain. Traditionnellement, à la madre restée au pays napolitain, ils écrivent des lettres poignantes pleines de  lacreme racontant les difficultés des immigrés, où qu'ils se trouvent. Ça nous fait aussi des belles chansons qu'on écoute, mi-attristé, mi-amusé, mais avec le plaisir de cet art du canto napulitano, inimitable.


vendredi 17 juillet 2015

Au loin déjà la mer s'est retirée

Démons et merveilles, vents et marées,
au loin déjà la mer s'est retirée,
et toi comme une algue,
doucement caressée par le vent,
dans les sables du lit,
tu remues en rêvant. 

Jacques Prévert

Cría cuervos

Cría cuervos y te sacarán los ojos. 

Elève des corbeaux et ils t'arracheront les yeux.
Joli proverbe espagnol qui a donné son titre au film de Carlos Saura, sorti en 1976. Qu'avons-nous reçu de la génération qui nous précède, et que donnons-nous aux enfants que nous avons eus (ou pas !) ? Inventaire en cours... (pas de fin prévue !)


jeudi 16 juillet 2015

Nudité de lumière

...dont ton corps sera la seule arène.

Nicholas Galiardi by Eugene Gallegos

Kant über alles

Je m'interroge, après la comédie européenne de ces jours derniers : qui a gagné quoi ? Je retiens l'attitude allemande, intransigeante, bornée.

J'en veux un peu aux Allemands. Pas au peuple allemand  — en dernière attitude, si cela devait arriver, je crois que je j'essayerais de conserver celle de Missak Manouchian : « Je meurs sans haine pour le peuple allemand ».

N’empêche. S’il fallait argumenter comme eux, disant : « Tant pis pour les Grecs. Après tout, si leurs élus ont failli, ils ont été élus par le peuple » ! 

Sophisme. Moi aussi ai voté pour un homme qui ne me représente pas, qui ne représente pas le peuple français. S’il a été élu et a trahi ses promesses de campagne, c’est que le système est défaillant, pensé défaillant et pratiqué défaillant.




Mais revenons à l’Allemagne : l’attitude extrémiste de Sigmar Gabriel, plus dur dans les négociations dans l’accord avec Alèxis Tsípras qu’Angela Merkel elle-même qui n’est pas un bonbon à la guimauve. On aurait pu penser que l’argument permettant au pire de restructurer la dette, au mieux de l’annuler purement et simplement aurait porté. Oui, la dette de l’Allemagne, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, a été allégée de 60 %. Mais pour les intégristes de la finance, ces arguments ne pèsent pas. Pourquoi ? Ce n’est pas, paraît-il le même contexte ! Quand on doit de l’argent, évidemment, le contexte n’est jamais le même. Une pensée pour l’Argentine, qui a dit simplement aux banques d’aller se faire voir, et une pensée pour l’Islande qui a fait de même. On en reparlera.

Cet intégrisme allemand qui me titille au plus haut point, est à rechercher sans doute dans un passé complexe : je vais essayer, sans doute maladroitement, d’en cerner les contours. Dans cette tentative d’identifier ce qui en fait la structure, j’en reste à des hypothèses, bien qu’ayant quelques exemples qui étayent mes intuitions.

Revenons à Sigmar Gabriel : il est notoire que son père était un sympathisant nazi. « Halte ! Va-t-on me dire, on n’en est plus là ! » Comme j’aimerais que cela fût ! C’est l’historien Henry Rousso qui est l’inventeur de la formule « un passé qui ne passe pas ». Il parlait alors de la France de Vichy, mais si le passé de Vichy a tant de mal à passer en France avec des résurrections d’idées nauséabondes, peut-on réellement croire que cette même histoire nazie serait passée en Allemagne ? Sigmar Gabriel a exactement le même âge qu’Henry Rousso, qui sait de quoi il parle.

De temps à autre on découvre que l’Allemagne, avec laquelle les « alliés » qui un temps sympathisèrent avec le régime nazi, puisqu’il s’agissait de faire la chasse aux communistes, a conservé longtemps une tendresse pour le Troisième Reich. Comme tout le monde fut, par exemple, surpris lorsqu’on apprit le passé d’appartenance aux Jeunesses hitlériennes de Horst Tappert, le gentil commissaire Derrick (né en 1923) ! Qu’y avait-il là de si surprenant ? La jeunesse allemande avait-elle tant que cela le choix ? Certes, il y eut des jeunes qui tentèrent d’y échapper, comme en France des jeunes furent réfractaires au STO (Service du travail obligatoire). Mais entre les engagés volontaires et les résistants, tout un éventail de jeunes suivirent, de manière très disciplinée comme on sait l’être en Allemagne, la pensée et l’attitude dominantes. Le problème est-il d’ailleurs là ? En fait, quel que soit le degré d’engagement dans la pensée du Troisième Reich, rien ne se passa sans que des traces profondes ne s’impriment dans l’esprit des jeunes Allemands. 


Sigmar Gabriel eut un père sympathisant nazi ; oui, l’Allemagne opéra deux attitudes après guerre : 

Celle d’un repentir, certainement sincère, d’autant plus qu’il était nécessaire à la reconstruction de l’Allemagne, même coupée en deux, celle dont François Mauriac disait : « J’aime tellement l’Allemagne que je suis très content qu’il y en ait deux. » Reconstruction qui nécessita plusieurs choses : l’abandon d’une partie des dettes de guerre, et un plan Marshall pour reconstruire dans la partie soumise au contrôle international un nouveau pays dénazifié, et anticommuniste, qui sans se considérer comme humilié par la tutelle des « alliés », ne la vit et ne la vécut de toute façon pas d’un bon œil.

Celle d’une nostalgie de la Grande Allemagne, désormais coupée en deux, mais héritière de l’Empire germanique dont Hitler, tout caricatural qu’il fut, représentait encore une image satisfaisante.

Ces deux attitudes, pour faire vite, sont en apparence incompatibles. Il faut donc penser que dans les discussions avec les « partenaires » la première attitude domine, et qu’en arrière-pensée, c’est la seconde qui œuvre dans les motivations. Ce n’est pas une attitude propre à l’Allemagne : l’idée de la Grande Serbie, qui lui est proche, est toujours en veilleuse, et la non reconnaissance du génocide de Srebrenica par la Serbie est en la preuve, et tout autant que le génocide arménien par la Turquie, bien que, paradoxalement, les idées semblent avancer beaucoup plus vite en Turquie.

Sans plonger très longtemps dans l’histoire du nationalisme germanique qui est à l’œuvre dans tout cela, il faut se remémorer deux philosophes allemands : Martin Heidegger et Emmanuel Kant. 

Le premier, le plus récent, établit après Husserl une phénoménologie du monde réel qui est en fait une métaphysique, où le réel peut se traduire en dernière analyse et en faisant vite à ce que le monde est l’idée que l’on s’en fait, libéré de tout humanisme (le fameux Dasein « être là au monde » ; autant dire que les démonstrations de Heidegger, centrées sur la culture et la langue allemande, polysémiques et ethnocentrées relèvent bien souvent du sophisme, par nature indémontrable. Deux importantes critiques de Heidegger, malgré l’attirance intellectuelle qu’il suscita chez de nombreux philosophes et penseurs, et non parmi les moindres, sont dues à Theodor Adorno dans son Jargon de l’authenticité, où il reprend le jeu du langage chez Heidegger, et Pierre Bourdieu dans son Ontologie politique de Martin Heidegger dans lequel il analyse la philosophie de Heidegger comme l’euphémisation dans son discours d’une essence de la société qui en soi serait déterminée comme l’expression d’une totalité, un rapport en fait idéal entre la nature donnée à l’homme et ce que l’homme a pu en faire. Une sorte d’éternelle autosatisfaction de l’être allemand.

Emmanuel Kant, est, bien sûr, le philosophe de la « critique de la raison » dont la morale est : rien ne peut détourner l’attitude des contraintes qui lui sont faites et des obligations auxquelles la nature humaine est soumise car le fonctionnement des relations entre les hommes relève d’une transcendance que rien ne peut obérer.

Bien évidemment, il s’agit d’un rappel très rapide de la pensée de ces deux philosophes allemands : ils ont, de manière incontournable, à plus d’un siècle de distance, fortement marqué la pensée de la société allemande : faut-il rappeler l’adhésion au nazisme en 1933 de Martin Heidegger, adhésion qu’il n’a jamais reniée, et qui gêne, évidemment, les défenseurs de sa pensée ; inversement, cette adhésion au nazisme relève, chez ses détracteurs, d’une logique que sa philosophie déguise ou occulte derrière ce qu’on peut appeler, trivialement, mais de manière imagée, un enfumage.

Aussi, si l’on essaie d’utiliser ces fondements de la pensée allemande avec les ressorts  d’une société qui se pense idéale, ethnocentrée, et en même temps psychorigide, bornée, autant pour elle-même que pour les autres, on comprend sans doute mieux le comportement des négociateurs, et, en particulier de Sigmar Gabriel dans la comédie qui s’est déroulée à Bruxelles.

Il y a quelques autres arguments qui interviennent : ce que la Grèce a subi pendant la Deuxième Guerre mondiale, avec le pillage par l’Armée allemande des ressources du pays entraînant une famine qui a été à l’origine du décès de 300 milliers de morts selon l’historien britannique Mark Mazower,  puis après la guerre avec l’épouvantable guerre civile suscitée par les « alliés » pour éradiquer le communisme en Grèce, le compte effectivement n’y est pas pour les Grecs, et les Allemands sont donc indéfiniment redevables. Sauf à nier l’histoire, ce que font ainsi les Allemands.

Groupe de résistants grecs pendant la Seconde Guerre mondiale


Je reviendrai ultérieurement sur les raisons qui expliquent une incompatibilité radicale entre la pensée de la société grecque et la pensée de la société allemande. Qu’il me soit permis de rappeler une anecdote qui m’avait choqué, mais qui rappelle cette attitude récurrente parfois dans la culture allemande.

Lors d’un concert à Berlin, en 1972, le chanteur Leonard Cohen commence son tour de scène, puis un incident technique intervient, empêchant la sonorisation et l’obligeant à interrompre son tour de chant. Les excuses arrivent, et bien que la prestation ait été accomplie, à la fin du spectacle, quelques spectateurs, et non certes tous, fort heureusement, viennent assaillir les organisateurs et le chanteur, exigeant absolument d’être remboursés. Ce à quoi ne s’opposent pas, évidemment, les artistes. Mais le ton et l’attitude sont d’une telle violence que, une fois les spectateurs remboursés, Leonard Cohen et les organisateurs se retrouvent désemparés, à la limite des larmes, bouleversés et choqués par un comportement à l’opposé du message qu’ils étaient venus apporter par leur musique et la poésie du chanteur.
Sur la vidéo, l’instant crucial se trouve à la minute  05 : 08 

« Ce n’est pas une question d’argent, c’est un problème de gens foireux ! Vous ne pouviez pas faire une répétition avant ?... » La même attitude a prévalu quarante trois ans après, à Bruxelles…



mercredi 15 juillet 2015

Direct desire project

... était un joli blog et j'aimais beaucoup les chaussettes jaunes (qu'on ne voit pas ici) de son auteur !


Joe Hisaishi - Hana-Bi

Joe Hisaishi est l'auteur de la musique du film Hana Bi de Takeshi Kitano, sorti en 1997, un très grand film.

mardi 14 juillet 2015

Je te défie !

Car nous sommes de même nature !


FAUVE ≠ T.R.W.

Tiens, Fauve, ça faisait longtemps !  T.R.W.

 Je ne sais pas vraiment ce que veut dire T.R.W., ça doit être un private joke. 
Allez, j'essaie : try the right way (leave the parade) ? Une espèce d'hommage à Jim Morrison !


lundi 13 juillet 2015

Sur ta ligne d'horizon

Là où tu poursuis tes rêves...



Vesuvio

Aux lecteurs de Véhèmes qui se promèneraient dans la région napolitaine, le pays des excellents Patrizio et Erri de Luca (je n'ai pas peur des mélanges !), attention au vénérable Vesuvio, qui n'épargna pas Pline l'Ancien !


Les derniers jours de Pompei (1959), avec le très séduisant Steve Reeves, narre l’éruption, il y a quelques années déjà, du célèbre volcan. Ah ! Que c'est beau les pepla !



dimanche 12 juillet 2015

Improbable rencontre

Mais je ferai mon possible pour te trouver un ampli !


Kairouan

J'aimerais tant voir Syracuse
L'île de Pâques et Kairouan
Et les grands oiseaux qui s'amusent
A glisser l'aile sous le vent...

Bernard Dimey pour les paroles
Henri Salvador pour la musique

Mais voici déjà Kairouan pour patienter !
Je vous souhaite un excellent dimanche !

samedi 11 juillet 2015

Rinceaux

J'avoue n'être pas très à mon aise avec les tatouages : leur côté quasi définitif participe à rendre le corps encore plus objet qu'il ne l'est, à en faire le support d'un langage éphémère dans la volonté de marquer sa peau, et inexorable tant le corps se fait mémoire de tout le vécu : la peau garde la trace des coups reçus, des passages à travers les fils barbelés, des chutes de motos, de tous les heurts que la vie renvoie ; conserve-t-elle pareillement le souvenir des amants et de leurs caresses, le passage de la langue et des plaisirs échangés ? Je reste effrayé par les goûts pervers de la collectionneuse de peaux tatouées, Ilse Koch, qui s'était constitué un petit musée des horreurs dans le camp de Buchenwald, au si joli nom, « la forêt de hêtres »... Je me demande parfois comment la cruauté pénètre les lieux les mieux protégés pour en flétrir la poésie. Mais il suffit peut-être qu'un chant resurgisse de l'horreur pour invoquer la lumière, et c'est la poésie tout entière qui reparaît pour faire triompher, au delà de l'éclat des supplices, la beauté dont l'esprit sait faire ses plus belles armes. Le néant n'y peut rien...

Et malgré ces réserves pour les tatouages, je reconnais avoir été séduit par les rinceaux qui font de ce garçon un homme-feuillage, comme j'aime à les regarder sur les chapiteaux des églises romanes...



vendredi 10 juillet 2015

Tu étais pensif



L'Europe, le FMI et la Grèce

Le titre pourrait faire penser à une fable de Jean de la Fontaine...

Je note l'évolution de jour en jour des positions des hommes et femmes politiques. Les commentateurs vont suivre !

Mercredi, Claude Bartolone, que j'ai un peu égratigné dans ces pages, donnait raison à la Grèce sur les ondes de France Inter. Et pour cause ! Il a, non sans raison, en tant que président du département de la Seine Saint-Denis, fait voter un budget en déficit, en défaut avec la loi française, qui lui interdit de le faire : le budget des collectivités locales doit être soit excédentaire, soit équilibré, mais en aucun cas déficitaire. Il entendait, par cette attitude frondeuse, interpeller l’État français au sujet des recettes insuffisantes des départements qui sont, pour la plupart, grevés par les budgets de l'aide sociale sans contreparties réelles.


Puis, hier matin, c'était Papa Gaino, qui de son propre chef et sans consulter le Sâr Cosi, et mû par une attitude gaullienne, donnait raison à Alèxis Tsípras d'avoir pris une décision digne, allez, voire gaullienne.

A son tour, on a entendu Pierre Moscovici, qui, de même, a grandement atténué sa position, et concède qu'il faut maintenant envisager différemment les discussions avec la Grèce.

Angela : "Alex, tu fais peur aux banques! Quel est-ton truc ? " Alex :" C'est une spécialité grecque, on l'appelle la démocratie : la politique pour les citoyens. Je te montre comment ça marche ! "

Christine Lagarde, mais oui, Christine Lagarde, qui du temps où elle fut ministre du budget de la France, a grandement contribué à accroître les déficits d'icelle, qui a traité Alèxis Tsípras d'irresponsable, a déclaré les heures dernières, au nom du FMI, qu'il fallait restructurer les dettes de la Grèce. On croit rêver ! Mais on ne peut que s'en féliciter.

Et du côté de la Grèce, ce bras de fer avec la troïka aura permis également de donner au premier ministre grec les arguments pour modifier la fiscalité de son pays : les armateurs, les gros financiers, et l'église orthodoxe vont peut-être devoir accepter la modification de leurs statuts d'exception qu'Alèxis Tsípras ne pouvait modifier sans avoir d'une part la légitimité du référendum, d'autre part de la pression de la troïka qui commence à prendre peur d'un défaut de paiement et de la sortie de la Grèce, épée de Damoclès qui ne serait pas du fait de la gouvernance de la Grèce mais de l'attitude extrémiste, pour le coup, de l'Occident contre la Grèce.

Et notre ministre de l'économie et du budget, le petit Macron (pardon pour le mauvais jeu de mot !) ? Il a fallu qu'il lâche une bêtise, une de plus, assimilant Syriza et le Front national. No comment : qu'il retourne à ses études politiques qu'il a dû un peu bâcler (quand on a un réseau, on n'a pas besoin d'être bon !)


Pour conclure cette fable, je renvoie à un excellent article d'Acrimed de Thibault Roques, paru le 6 juillet : comment les médias jouent aux petits caniches de la doxa et de la pensée dominante...

C'est à lire ici : clic

jeudi 9 juillet 2015

Quelques longueurs



Μια βόλτα στην Αθίνα του 1850-1900

Un petit tour dans l'Athènes de la deuxième moitié du XIXe siècle...

Photographies de différents photographes d'une Athènes qui n'était alors qu'un gros, gros village. Le contraste avec l'Athènes actuelle est terrible !

mercredi 8 juillet 2015

Waiting for the rain

On n'est jamais content ! Quand on a la pluie, on veut le soleil, et inversement... Pour le coup, un peu de pluie avec un beau garçon ne déparerait pas notre environnement !

Guiding light by Mikeys Photos

Tintinophilie - 2

En ces temps de fortes chaleurs, réfugiez-vous dans les musées ! Du moins ceux qui sont climatisés...
Les musées ont donné matière à réflexion à Hergé, bien évidemment, l'auteur de Tintin, notamment les musées d'ethnographie, lieux de mystères où les objets, figurines et autres représentations ne cessent d'intriguer. Pour L'oreille cassée, il avait sans nul doute été inspiré par cette figurine de la culture Chimu (actuel Pérou), située entre les 9ème et 14ème siècles de notre ère. Le modèle n'est pas unique et peut être vu en divers lieux européens. Ici, à gauche, au nouveau Musée d'ethnographie de Genève.


Hergé,  L'Oreille cassée - 1947







mardi 7 juillet 2015

Il a fait si chaud ce jour

(Le titre auquel vous avez échappé : chaton sur un toit brûlé...)

 

Le voyage à Cythère

En 1984, Theo Angelópoulos présentait Voyage à Cythère au Festival international du Cinéma de Cannes. Combien prémonitoire était son film ! Je veux voir, dans la situation actuelle de la Grèce, la jeunesse grecque, représentée par Alèxis Tsípras, en lutte pour sortir son pays des archaïsmes dans lesquels l'a laissé l'Occident, comme il lutte contre les forces d'inertie qui ne veulent faire de l'Europe qu'un outil aux mains des lobbyistes. L'Europe, la Grèce valent mieux que la situation où elles se trouvent actuellement !

Voici emprunté à Wikipédia, le synopsis du film :

« Alexandre (Giulio Brogi), metteur en scène, est à la recherche d'un vieil acteur. Il le trouve chez un vendeur de légumes. Le film peut commencer. Alexandre accueille son père Spyros (Manos Katrakis), ancien résistant, de retour d'URSS après trente-deux années d'exil forcé. L'amnistie a en effet été prononcée après la chute de la dictature des colonels en 1974. Spyros retrouve sa femme, Katerina (Dora Volanaki). Puis il retrouve son village, sa maison et quelques anciens camarades. Mais Spyros a beaucoup de mal à comprendre le temps écoulé. L'idée-même du retour qu'il a chérie durant 32 ans est devenue intangible. Seule son épouse semble le comprendre.

Cythère, l'île grecque située au sud du Péloponnèse, est représentée ici sous son évocation mythique. Le film se déroule en réalité en hiver, dans un village de la Macédoine grecque, lieu de naissance du vieux communiste. Dans la mythologie grecque, Cythère est l'île où s'accomplissent les rêves de bonheur. Comme Télémaque, le fils d'Ulysse, Alexandre s'interroge sur la quête de son père. C'est aussi un voyage dans les pages sombres de l'histoire de Grèce, où s'interpose le mythe. »


Musique d'Elèni Karaíndrou/Ελένη Καραΐνδρου.


lundi 6 juillet 2015

Passage à l'ass


Ah, l'orthographe !



Voici la copie image d'un échange trouvé sur Internet :


En français :

 - Es-tu gay parce que tu n'as pas une personnalité masculine forte dans ta vie ?

Anonyme répond :

- Non, je suis gay parce que je vpas (incompréhensible, n'est-ce pas ?) une personnalité masculine forte dans mon c**

Eh oui, chers ami(e)s, l'orthographe est incontournable, sans quoi on peut exprimer des contresens. En effet que veut dire notre ami anonyme ici ? Qu'il veut ou qu'il ne veut pas, ce qui justifie son état de gay ?

S'il avait dit : " No, I'm gay because I want a strong male figure in my ass", les choses auraient été beaucoup plus claires.

En faisant un lapsus calami, il contracte le verbe to want avec la négation élidée not, devenue n't, ce qui revient à dire qu'il ne veut pas une personnalité masculine dans son c**.

Conclusion : on ne sait pas ce qu'il veut, ni pourquoi il est gay. N'est-ce pas vraiment regrettable ?

Νε, φιλοτιμώ!

Oui, j'ai ressenti une immense fierté et senti le sens de l'honneur de cet όχι prononcé par une immense majorité. Comme j'aurais aimé passer rue Ermou pour accompagner cette foule immense jusqu'à Syntagma et dire ma joie, la partager avec les amis grecs ! Alité, je n'ai pu que de loin suivre les événements de Grèce, mais ma pensée et mon esprit étaient tout entiers à ressentir cette immense émotion, d'une portée certes symbolique, mais ô combien importante : cette consultation populaire que d'aucuns mauvais esprits en Occident contestaient, la disant anticonstitutionnelle (!) fut pourtant approuvée par le Conseil constitutionnel grec. Malgré la désinformation constante, malgré la parole offerte dans les médias aux partisans de l'économie ultralibérale prônant le « oui » (oui à l'austérité, oui aux suicides des retraités, oui à l'asservissement de la Grèce en général, oui au démantèlement des services publics, oui à la privatisation des biens communs, oui au rejet par les hôpitaux des personnes indigentes...), l'idée qu'une autre Europe est possible fait son chemin. Le sinistre Claude Guéant, invité sur les ondes de France Inter, a fustigé une fois de plus Alèxis Tsípras l'accusant de tous les maux. Claude Guéant, lui même mis en examen pour des affaires  douteuses alors qu'il était ministre de Nicolas Sarkozy, n'a même pas la décence de la retenue : « Les Grecs ont vécu au-dessus de leurs moyens. » a-t-il dit.

De quels Grecs parle-t-il ? De ceux qui ont profité de l'argent de l'Europe, les coteries Caramanlis-Samaras-Papandréou, qui ont appelé à voter oui, ceux dont les appartements luxueux à Athènes sont une gifle à ceux qui dorment dans la rue et dans les bâtiments en chantiers ? 


Les Grecs, expression utilisée de manière générale, est un stéréotype idéologiquement très connoté : on disait autrefois « les Ecossais sont ceci, Les noirs sont cela, etc... ». Cette vieille pensée archaïque, profondément discriminante, n'a pas disparu des fondements idéologiques des droites européennes. J'ai rappelé, dans un billet récent, la définition par le Petit Larousse, en 1935,  de l'entrée  « grec ». Je ne suis pas sûr que ces vieilles lunes n'aient plus cours encore aujourd'hui.


Thomas Legrand, à France Inter a même accusé Alèxis Tsípras dans une de ses chroniques, de faire un « coup de poker » avec le referendum. Je ne me souviens pas de l'avoir entendu accuser François Hollande de jouer, maintenant depuis plus de trois ans, au poker menteur, en se ralliant sans vergogne aux positions d'Angela Merkel...

Chez ces gens-là, Monsieur...


Oui, il y a lieu de se réjouir de ce non de mes amis grecs. Il permet maintenant de redisposer les cartes, puisque pour Thomas Legrand, nous en sommes à un jeu de poker ! La misère, chez ces gens-là, peut se réduire à un jeu. Il est dommage que Thomas Legrand n'aille pas se promener dans les rues d'Athènes, interroger, regarder, dans les campagnes du Péloponnèse, où autour de l'antique Mycènes, un désert agricole s'est installé. Un hasard sans doute, à moins qu'il ne faille imputer, selon le vieil argument raciste, la mauvaise nature des habitants qui ne veulent plus travailler depuis que l'argent de l'Europe leur a permis de vivre d'autres ressources ? Non, déjà en 1976, l'entrée de la Grèce à l'UE était conditionnée par un certain nombre de contraintes. Ce blog n'est pas le lieu d'un réquisitoire de la politique européenne, mais je citerai un seul exemple, repris de L'été grec, de Jacques Lacarrière : « [...] deux moutons sur trois consommés en Grèce viennent de Nouvelle-Zélande [...] (p. 418 de l'édition Plon - Terre humaine poche). Certes, en 1976, la Grèce n'avait pas encore adhéré à l'Union européenne (elle l'a fait en 1981), mais déjà les élites corrompues avaient préparé le terrain pour une éradication de l'agriculture. On sait le résultat : les incendies terribles de 2007 ont détruit toute la végétation que les troupeaux contenaient auparavant...



Les jours qui viennent nous diront comment les relations entre l'Eurogroupe et la Grèce peuvent se rééquilibrer. Contrairement à ce qu'avaient dit les oiseaux de mauvais augure, la Grèce ne sortira ni de la zone euro, ni de l'Union européenne, et le tourisme, dont on nous dit que les chiffres sont à la hausse, compensant l'inquiétude des destinations en Afrique du Nord, est une ressource extrêmement importante dont on espère qu'il viendra conforter les caisses de l’État et non quelques armateurs véreux.

A suivre, sans triomphalisme, mais avec autant de détermination. Regrettons simplement la démission de Yannis Varoufakis, qui n'a jamais démérité. Ce départ qui se veut un « signe », ne doit pas être un renoncement à la plus haute idée que l'on se fait de l'Europe : la souveraineté des peuples dans un système démocratique partagé pour un progrès social, et non l'asservissement des plus faibles.

L'artiste Tom à Pláka (Athènes) - le retour à la drachme n'est plus d'actualité depuis longtemps -
photo Celeos 2010





En lien voici un article du Huffington Post : clic