Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

dimanche 5 juillet 2015

Somera nokto/Une nuit d'été

Je m'étais promis de publier sans trop tarder un billet en espéranto : parmi mes centres d'intérêts, il y a les langues, et ce qui fait la richesse du genre humain, c'est de pouvoir s'exprimer et d'être capable de le faire dans une des nombreuses langues de son choix. Les langues sur terre sont, comme bien d'autres catégories, en danger : leur nombre diminue, comme leurs locuteurs, selon le processus qu'une langue dominante s'impose à des langues dominées qui disparaissent ainsi selon un choix politique et non du fait d'un simple aléa.

Un rêve de Zamenhof, devenu réalité, a permis qu'une langue construite à partir de nombreuses autres langues existe comme moyen de communication universel. La langue existe aujourd'hui et comme toutes les autres langues, continue de se construire en s'adaptant au monde et à sa réalité.

Jérôme m'a fait le plaisir d'accepter de traduire le texte suivant. Je lui en suis infiniment reconnaissant : il a réalisé un travail de grande qualité et sa traduction me paraît magnifique. Et si vous avez envie, également, de mieux connaître et de vous perfectionner en espéranto, l'adresse de son blog, Gejaj rakontoj en Esperanto. est ici : clic


Somera nokto


Mi eniris malrapide en la ĉambron. Mi sentis sub miaj nudaj piedoj la friskecon de la  poluritaj kaheloj. Mi restis staranta dum momento en duonlumo.

Tra la malfermita fenestro eniris iom da aero, kiu alportis en la varmon de la nokto la odorojn de la ĝardena mento.


Mi eksidis, nuda, en la fotelo kun kubutapogiloj el ligno. Je kurtaj glutetoj mi spiris la venteton plenan je parfumoj kaj odoroj. Profunde sur mia lango mi sentis viran guston, kiu vekis miajn sensojn. La varmo de la ĉambro malrapide penetris mian tutan korpon kaj mi sentis ankaŭ la malmoliĝon de miaj cicopintoj. Longtempe mi restis, modlante mian korpon kaj miajn muskolojn agorde al la vibrado de la blankaj muroj, kiuj iam kaj tiam reflektis la lumajn tremetojn ludantajn kun la ombroj de arbustoj nun ĉeestantaj en la ĉambro.

Sur la lito, la mildaj ondoj de la spiradoj igis vivantajn la formojn de via korpo kaj de lia. De viaj interplektintaj kruroj unu el ili suprengrimpis al alies lumbo laŭ korpa geometrio. Lumradio lumigis vian dorson kaj lian ventron. Ambaŭ haŭtoj, kiujn mi ne kapablis distingi unu de la alia, fine similis pro ties malhelecoj. Mi perceptis sur lia ventro la rebrilon de arĝenta fendeto, kvazaŭ spuro de surpromeninta heliko. Kaj poste, dank’al iom da lumo progresive atinganta miajn okulojn, mi povis rigardi, elirantan el via umbiliko, la glatan heĝon de viaj haroj sobirantajn ĝis via kaca radiko. Ankaŭ sur lia ventro la sama veluro sterniĝis, apenaŭ perturbita far la arĝenta vojo. Lia brako pendis ĉe la rando de la lito, kaj lia duonfermita mano atendis teneran prenon, varman kison de miaj lipoj. Via ronda ŝultro, la kurbo de via nuko invitis mian rigardon. Via orelo, duone kaŝita de harbuklo ankoraŭ kortuŝis min. Mi paŝis antaŭen, dediĉante mian atenton al miaj fingroj, kiuj forpuŝis tiun buklon. Vi ne moviĝis. Viaj fermitaj palpebroj rakontis vian vojaĝon al la serenaj kamparoj plenaj je florantaj kotonaj tigoj.

Via mano kuŝis sur lia ŝultro, daŭrigante inter viaj du korpoj vian perfektan komplementecon.


Per miaj fingropintoj mi sekvis tiun irvojon, kiun de via ŝultro indikis al mi via brako.
Ĝi estis lakteca vojo, delikata, sub kiu dormis viaj muskoloj desegnantaj apenaŭajn reliefojn. Mi sentis vian haŭton emociiĝi, sed sen tremetoj. Kiam mi atingis la ekstremojn de viaj falangoj kaj la haŭton de lia brusto, tiam ekestis leĝera tremeto, apenaŭ perceptebla ĝemado, el kiu mi aŭdis samtempe malaprobon pro la endorma perturbado kaj plezuron pro la kareso. Li turnis sin flanken, ŝanĝante la amoran teniĝon, ĝin pliigante dank’ al la vidalvida proksimiĝo de viaj korpoj. Lia flanko, nun allasita al la progreso de mia irado, ebligis ke mia mano daŭrigu sian flugtuŝadon, sentu lian varmon, substreku la streĉiĝon de lia haŭto, kiu nun sin donis al vi en la interplektado de viaj membroj. Miaj fingroj daŭrigis sian iradon laŭ lia kokso, ĉirkaŭiris la plenecon de liaj gluteoj, poste de liaj femuroj, kies delikata veluro ribelis je ilia pasado.

Liaj genuoj kaj kruroj piliere subtenis la tutan akson de lia korpo, kaj mi ege emociiĝis sobirante sur lian firman maleolon, lian piedarkon, ĝis liaj piedfingroj kuŝantaj sur littuka refaldo.

Tiam mi atingis vian korpon. Mi sentis, sorirante inter viaj femuroj, la vigla stato de viaj kojonoj, de via kaco. Mi nur preterpasis tie, ĉar veki vin tro frue mi ne kapablis min decidi. Atentante pri vi, mi ne volis scii de mia korpo la staton de mia propra deziro. Eksterdoma najtingala kantado eĥis tra la foliaro.


Via ventro, via brusto malleviĝis, kaj ties malrapidan ritmon sekvis mia mano. Mi tenis tiam entute en mia mano vian ankoraŭ senseman mamon. Miavice mi ekkuŝis sur la liton. Mi volvis mian korpon ĉe vian dorson, dum mia kaco ŝirmis sin en angulon de viaj femuroj. Per maldekstra mano mi premis la kapkusenon, ebligante ke via kapo sin loku sur mia brako. Per miaj lipoj mi sentis vian brunan hararon, kies buklo eniris miajn naztruojn. Mia dekstra brako sin tenis al lia kokso. Ni estis tiam tutaĵo el karno, el haŭto brulanta sub varma nokta aero.


© Keleós - traduko :



Une nuit d’été


Je suis entré doucement dans la chambre. J’ai senti sous mes pieds nus la fraîcheur des tommettes cirées. Je suis resté un instant debout dans la pénombre.

Par la fenêtre entr’ouverte filtrait un peu d’air qui apportait, dans la tiédeur de la nuit, les senteurs de la menthe du jardin.

Je me suis assis, nu, dans le fauteuil aux accoudoirs de bois. À petites goulées je respirais cette brise chargée de parfums et d’odeurs. J’ai senti au fond de ma langue une saveur d’homme qui a réveillé mes sens. La chaleur de la pièce a gagné doucement tout mon corps et j’ai senti également la pointe de mes seins qui durcissait. Je suis resté un moment à modeler mon corps, mes muscles, au diapason des vibrations des murs blancs, reflétant par instants le tremblement lumineux qui jouait avec les ombres des arbustes devenus maintenant présents dans la chambre.


Sur le lit, les vagues douces des respirations rendaient vivantes les formes de ton corps et du sien. Vos jambes s’étaient croisées, l’une remontant vers les reins de l’autre dans une géométrie incarnée. Un rayon de lumière éclairait ton dos et son ventre. Les deux peaux que je ne savais distinguer l’une de l’autre se rejoignaient dans leur matité. Je perçus sur son ventre la lumière d’une craquelure argentée, comme le passage d’un escargot qui s’y serait promené. Puis, à côté, avec le peu de lumière qui parvenait progressivement à mes yeux, je pus regarder, venant de ton nombril, la haie douce de tes poils qui redescendait jusqu’à la racine de ta verge. Sur son ventre également, le même velours s’étalait, à peine perturbé par le chemin d’argent. Son bras retombait vers le bord du lit et sa main entr’ouverte attendait d’être saisie doucement pour y déposer un baiser de mes lèvres. Ton épaule ronde, la courbure de ta nuque invitaient mon regard. Ton oreille à demi camouflée par une boucle des cheveux, m’émut encore. Je m’avançai, donnant précaution à mes doigts qui dégageaient cette boucle. Tu ne bougeas pas. Tes paupières refermées disaient ton voyage vers des campagnes sereines où fleurissent les tiges de coton.

Ta main était posée sur son épaule, maintenant entre vos deux corps votre parfaite complémentarité.

Du bout de mes doigts je suivis ce parcours que m’indiquait ton bras depuis ton épaule. C’était un chemin de lait, tendre, où dormaient tes muscles, à peine dessinant de légères courbes. Je sentis frémir ta peau, mais sans frisson. Lorsque j’atteignis l’ultime extrémité de tes phalanges, la peau de son torse, il y eut un doux tressaillement, une plainte à peine perceptible où j’entendais à la fois la réprobation de perturber son sommeil et le plaisir de la caresse. Il tourna sur son côté, modifiant la posture amoureuse, l’accentuant vers le rapprochement face à face de vos deux corps. Son flanc maintenant exposé à la progression de mon parcours autorisait ma main à prolonger l’effleurement, à capter sa chaleur, à souligner la tension de sa peau ainsi toute à t’appartenir dans le croisement de vos membres. Mes doigts ont continué leur trajet le long de sa hanche, ont contourné la plénitude de ses fesses, puis de ses cuisses dont le velours tendre s’est rebellé à leur passage.

Ses genoux et ses jambes soutenaient en piliers tout l’axe de son corps et mon trouble était immense à redescendre sur ses chevilles solides, le cou de son pied et jusqu’à ses orteils allongés sur un repli du drap.

J’en suis arrivé à ton corps. J’ai senti, remontant entre tes cuisses, l’état de vigueur qui animait tes bourses, ta verge. Je n’ai fait qu’y passer, ne voulant me résoudre à t’éveiller trop tôt. Attentif à toi-même, je ne voulais savoir de mon corps où en était mon désir. Au dehors, un chant de rossignol résonnait dans le feuillage.

Ton ventre, ta poitrine s’abaissaient et ma main soutenait leur rythme lent. Puis je tins tout entier dans ma main ton sein encore tendre. Je me suis alors baissé à mon tour vers le lit. J’ai lové mon corps contre ton dos, mon propre sexe abrité dans l’encoignure de tes cuisses. De ma main gauche j’appuyai l’oreiller pour me permettre de déposer ta tête sur mon bras. De mes lèvres je sentais ta chevelure brune dont une boucle pénétrait ma narine. Mon bras droit maintenant s’accrochait à sa hanche. Nous ne faisions qu’un ensemble de chair, de peau brûlant sous l’air tiède de la nuit.

© Celeos

9 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est moi qui te remercie, Celeos.
C'est vrai que tant que l'Europe sera celle du fric avant d'être celle des peuples, tant que nous ne serons pas capables de communiquer entre nous tout en préservant nos richesses culturelles, rien ne pourra vraiment fonctionner démocratiquement.
Mais ceux qui nous dirigent ne tiennent pas du tout à ce que les peuples puissent librement communiquer.
Jérôme

Celeos a dit…

Heureux de partager avec toi cette vision des choses, Jérôme. :)

Silvano a dit…

C'est un texte magnifique, Celeos, de nature à calmer mes velléités littéraires.

joseph a dit…

Esperanto comme espérance, il faut y croire pour que la charité arrête d'être si bien ordonnée et pense à l'autre d'abord!

Celeos a dit…

@ Silvano : merci, Silvano, mais ne me faites pas regretter de l'avoir publié : chacun exprime, dans sa langue et son écriture des instants de ce qu'il est. Vous savez que nous sommes beaucoup à attendre, au contraire, « vos velléités littéraires » avec impatience, et nos « chants d'amour » respectifs ne seront jamais assez nombreux ni assez lisibles dans ce vaste monde de l'écriture...

@ Joseph : oui, Joseph, il faut croire aux utopies, ne pas oublier que l'autre est un miroir fidèle ; comment le négliger alors ?

Anonyme a dit…

Ah! non, non, moi, je veux les 2 et Silvano et Céléos...(rassurez-vous, je parle de vos velléités littéraires)


Votre texte est splendide, Céléos. Le lisant, il m'a semblé être en état de suspension, très agréable sensation.
Marie

Celeos a dit…

Merci, Marie ! Les mots doivent servir à s'envoler, n'est-ce-pas ?

Anonyme a dit…

Oui.
Ils ont aussi le pouvoir de nous faire tomber au plus bas.
Vous parlez dans votre billet de langage universel ; il y a un autre langage universel qui est celui du corps et bien que ce soit l'un des plus puissant, je ne parle pas que de la rencontre sexuelle.
Quand le langage n'est pas ou plus possible, il y a les regards qui se fondent et se donnent, les mains qui s'offrent et acceptent, les peaux qui vibrent, les respirations qui s'accordent et s'apaisent...une infinité de "petits détails" qui nous guident dans une toute autre forme de rencontre.
Marie

Celeos a dit…

J’acquiesce, Marie, même si c'est un sujet complexe qui demanderait de longs développements. Les corps sont un langage, jusque dans leurs formes les plus étranges ; paradoxalement, ils sont d'abord un objet, regard dont il faudrait s'affranchir. On ne semble y parvenir que par le truchement de la cruauté dont parlait Antonin Artaud. Peut-être le corps souffrant sort-il alors de son statut d'objet puisqu'il se situe alors en devenir, cadavre, corps guéri, ou souffrant jusqu'au bout d'une vie de douleur...
Désolé, mon commentaire n'est pas très gai (ni gay, d'ailleurs) !