Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

mercredi 24 février 2016

Francesco Forgione, Padre Pio, moine franciscain

Parmi les curiosités romaines, on pouvait voir ces derniers jours exposé à la Basilique Saint-Pierre, au Vatican, le corps du Padre Pio, né Francesco Forgione, célèbre saint italien, extrêmement connu pour ses excentricités souvent peu conformes aux conventions de l’Église catholique romaine.
Certains de mes lecteurs s'étonneront de me voir présenter un billet au sujet de Padre Pio, ne cachant pas mes opinions mécréantes et définitivement en rupture avec toute forme de croyance. Certes, mais, en bon anthropologue, je ne peux me désintéresser de la figure de cet homme, qui, ainsi que je l'ai déjà évoqué dans ce blog au sujet d'un passage à Milan, me semble éminemment sympathique. C'est même à mon avis, le saint italien le plus surréaliste. C'est vous dire ainsi qu'il est de nature à m'intéresser dans son comportement qui fit plus qu'irriter sa hiérarchie, hiérarchie religieuse qui considéra que les manifestations irrationnelles dont il faisait preuve étaient de nature à remettre en cause les dogmes, et le persécuta en conséquence.

Le Dictionnaire de l'impossible de Didier Van Cauwelaert consacre quelques pages au Padre Pio, montrant, si les témoignages sont dignes de foi, les aspects invraisemblables de son comportement d'homme religieux. Si l'on rajoute qu'il «reçut» les stigmates en 1918, après avoir eu une attitude exemplaire pendant la Grande Guerre, il y a là bien de quoi irriter la pensée rationnelle autant que la pensée religieuse canonique. On parle de son humour, et de sa capacité à la dérision.
Pendant cette même Grande Guerre, alors que l'Italie se trouve du côté des alliés franco-britanniques contre l'Empire germanique, la bataille de Caporetto, le 24 octobre 1917, est perdue. Le général Luigi Cadorna est destitué, et ce dernier ne voit d'autre issue que le suicide. Au moment de saisir son pistolet, un moine surgit devant lui, lui intime d'arrêter son geste, le réconforte et disparaît aussitôt. Le général est doublement sonné : il se précipite hors de son bureau, demande où est passé le moine ; on lui répond qu'aucun moine n'est venu, ni reparti. Plusieurs années après, le général Cadorna voit la photographie du Padre Pio dans un journal. Il le reconnaît. C'est le Padre Pio qui est venu le voir. Le général Cadorna se rend aussitôt à San Giovanni Rotondo où le Padre Pio exerce son sacerdoce. Avant que le général n'ait eu le temps de se présenter, le Padre Pio s'interrompt et fait un clin d’œil au général, lui disant : «Alors, général, on l'a échappé belle !»
Bilocations, odeur de sainteté (senteurs de rose, de violette...), guérisons miraculeuses, il s'autorise toutes les manifestations auxquelles répugne l’Église catholique, qui répond à sa façon d'être par un scepticisme tout aussi virulent que les scientistes positivistes pour qui tout cela ne peut exister.

Pietro da Cemmo - L'Annunzziata - 1475
On trouvera sur Internet de nombreux sites qui lui sont consacrés, à prendre avec de la distance, de l'humour, et, malgré ce qu'il pouvait penser lui-même de sa religion très étriquée, se dégage de la sympathie pour cet homme dont la principale qualité vis-à-vis de ses semblables fut la tolérance.
Curieusement, visitant l'été passé le monastère franciscain de l'Annunciata (ou Annunzziata), à Piancogno en Val Camunica, qui recèle de magnifiques fresques de Pietro da Cemmo datées de 1475, un portrait souriant du Padre Pio accueillait les visiteurs à l'entrée de la chapelle. Je n'ai pu m'empêcher de répondre à son sourire par le mien, que la journée ensoleillée avait déjà amorcé.
Le décès récent d'Umberto Eco, qui avait régalé ses lecteurs de plantureux débats théologiens dans Le nom de la rose, rappelle la figure sympathique des «pauvres de Dieu» que furent les Franciscains, attachant plus de prix à la modestie de leur vie qu'aux ors vaticanesques qui dégoulineront plus tard à l'Age baroque !
On trouvera ci-après un extrait d'Uccelacci e uccellini, de Pier Paolo Pasolini interprété par Ninetto Davoli et Totò, qui se fout un peu de la gueule de tout le monde avec sans doute un certain cynisme : la conversion des puissants oiseaux n'est qu'un leurre et ils continuent à attaquer et se nourrir des passereaux... Jusqu'au moment où les personnages joués par Ninetto et Totò finiront par manger eux-même le corbeau, figure de l'intellectuel de gauche, qu'il n'est plus possible d'entendre !


Je suis à peu près sûr que Pio et PPP auraient sympathisé. Quale prova ?

2 commentaires:

yves a dit…

ah non ! ça suffit les curés. j'ai déjà donné.

Celeos a dit…

Vous avez tort, Yves, bouffer du curé, c'est excellent !