Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

samedi 1 octobre 2016

L'échappée belle

Dans mon billet du 2 mai dernier, j'avais annoncé l'exposition du MuCEM concernant Jean Genet,  où je la présentais en ces termes :

Jean Genet - L'échappée belle

Enfin, il me faut signaler l'exposition que consacre le MuCEM, Musée des Civilisations Européennes et Méditerranéennes, aux rapports entre Jean Genet et la Méditerranée, qui fut son havre de pérégrination, entre l'Espagne, l'Italie, l'Algérie, la Grèce, la Palestine, et jusqu'au Maroc, où l'ancien cimetière espagnol de Larache a accueilli son corps.L'exposition, démarrée le 15 avril, jour anniversaire de sa mort, s'achève le 18 juillet prochain. 
« Mêlant manuscrits, lettres, entretiens filmés et œuvres d'art (dont un portrait signé Giacometti), le parcours de l'exposition suit le parcours de l'oeuvre et montre comment la Méditerranée fut, pour l'écrivain, une " échappée belle ". »
Là non plus, le titre n'apparaît pas comme très heureux et sans doute parce que Jean Genet ne s'est jamais vraiment échappé des combats qu'il a menés, même dans les lieux ou notre monde pouvait lui apparaître plus lointain... 



L'exposition s'est ainsi achevée le 18 juillet. Par chance, une réunion professionnelle à Marseille a été l'occasion de passer au MuCEM pour la voir au mois de juin.
On était en mesure de s'interroger : pourquoi ce titre, et pourquoi au MuCEM ? La réponse n'était sans doute pas loin : le MuCEM s'occupant des cultures des civilisations européennes et méditerranéennes, je pensais que l'exposition traiterait des vagabondages de Jean Genet à travers l'espace méditerranéen, vagabondages qu'il commença relativement tôt. On se réfèrera en particulier à Jean Genet matricule 192.102. Chronique des années 1910-1944, dû à Albert Dichy et Pascal Fouché. On y trouve le parcours de Jean Genet dans son goût pour la Méditerranée qui est monde de lumière : les passages à Marseille, à l'armée qui l'envoie à Beyrouth, Damas, puis, plus tard, toujours engagé, au Maroc, moment qui s'achèvera par une désertion puis l'Espagne décrite dans le Journal du voleur. Etc.

Une lettre de Jean Genet à André Gide, depuis Barcelone. 1933


J'espérais que l'exposition serait le lieu, en cet endroit précis, de l'exploration de ces parcours, où le voyage sublimant l'imaginaire, on aurait été à même de suivre la trace du poète vagabond.
Hélas, quelle déception ! J'ai vu une exposition rapidement montée, à la scénographie élémentaire qui rappelait les murs de l'enfermement et non les sentiers de la liberté vagabonde qui furent ceux de Jean Genet. Quelques photographies, ici, n'en donnent qu'une vue très partielle. L'aspect intéressant de l'exposition est de permettre de suivre, à travers ses engagements en faveur des dominés, une partie de ses chemins.
Je comprends la logique qui a présidé à cette exposition : pour commémorer les trente années de sa mort, le MuCEM se devait de parler de Jean Genet, et singulièrement s'occupant des «cultures méditerranéennes et européennes», présenter le rapport entre Jean Genet et la Méditerranée. C'est bien raté, et c'est dommage. En même temps, on se fout un peu des commémorations. Je n'ai évoqué Jean Genet dans mes billets d'avril que parce que cette date se rappelait elle-même à moi.
Je vous laisse découvrir quelques photos. Je n'ai pas là retrouvé l'univers de Jean Genet. Je
le regrette.


Détail du manuscrit du Journal du voleur - "1932. L'Espagne alors était couverte de vermine, ses mendiants. Ils allaient de village en village, en Andalousie parce qu'elle est chaude, en Catalogne parce qu'elle est riche, mais tout le pays nous était favorable. [...]"



Ernest Pignon Ernest - Une image du Parcours Genet de 2006 à Brest




   

Je suis sorti de l'exposition alors
que le soleil était encore haut dans le ciel. Et cependant, le sentiment d'une immense tristesse s'est abattu sur moi, comme si, une fois de plus, aucune institution n'était en mesure de parler de Jean Genet, sans doute trop insaisissable pour qui n'a jamais ressenti le sentiment d'abandon.
Dans ce ciel haut qui laissait toute sa place à la mer dont l'appel est toujours si fort, un grand vertige s'est installé, d'autant plus grand qu'il n'y avait alors plus personne sur l'esplanade du Fort Saint-Jean. J'ai sorti mon smartphone. Quelques visages de garçons tout aussi abandonnés sont apparus sur ce site désespérant. Le beau visage sans sourire de l'un d'eux m'a rassuré, invoquant l'art, disait-il maladroitement. J'ai éteint mon smartphone et j'ai repris ma route, sans regret de Marseille.


*                *               *

Je n'ai pas encore eu le temps de parler de l'émission de Jean Lebrun consacrée à Jean Genet, rediffusée cet été, dans laquelle Jean Lebrun avait invité Yvan Jablonka auquel les bienpensances journalistiques ont rendu hommage pour un livre paru récemment. Une fois de plus, dans l'émission de Jean Lebrun La marche de l'histoire, Yvan Jablonka se révèle particulièrement malhonnête. J'y reviendrai.

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