Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

lundi 21 novembre 2016

Une histoire de Rome : les origines romaines de la France

J'ai trouvé que cette présentation était un rappel intéressant de l'Antiquité romaine. Où l'histoire n'est qu'une succession d'expansions et de récessions. Nos ancêtres étaient des envahisseurs. David Vincent nous l'avait dit  !

dimanche 20 novembre 2016

6, rue des Lilas


Kaddish for Leonard

Steven Isserlis au violoncelle interprète le Kaddich (prière des morts) de Maurice Ravel.


Kaddish pour Leonard (2016), Jean (1986), Gino (1993) Thérèse (1995) Barbara (1996) Annie (2000) Nicole (2008), et quelques autres....


Temps chagrin.
Un fracas en tambour de peau crevée
frappe sans prévenance.
Il me laisse dans la faim du petit matin,
langue asséchée
aux lueurs confuses de l’esprit
blafardes, noyées dans le souffle des derniers mots
aux sons qui résonnent 
du battement de l’acier explosé.

Éclats d’obus dans mes yeux ;
Les larmes s’écoulent maintenant dans mes veines.
Elles se mêlent au dénuement des horizons :
les déserts ont rejoint le vide qui les guettait.
Ils se sont bâti des temples avec les os indéterminés
de squelettes dévertébrés. Les mots se sont enfuis.

Rouille automnale dans la montagne.
Elle coule, dégouline ses dépôts
sur ton nom, sur ma langue, sur nos yeux.

Sur nos sexes morts.



mardi 15 novembre 2016

Cliff

Eh, oui, estèf, toi aussi tu pouvais craquer pour Cliff Richard (bon, les Shadows étaient moins sexy...) !

Manuel Blanc - Carnaval

Manuel Blanc lit un extrait de son roman, Carnaval, dans une vidéo d'Antony Hickling.
A la recherche éperdue de son amant.


dimanche 13 novembre 2016

Lever de lune

On me dit que la lune sera pleine et géante demain soir.
Il y a des astres qui consolent des mesquineries du ras des pâquerettes.

Graeme

La disparition de Leonard a suscité maintes réactions. Auditeur de France Inter, j'entends Françoise Hardy invitée du journal. Je reste stupéfait par ce que j'entends. On lui demande de réagir sur cette mort : « Oh, ce n'était pas un grand mélodiste...» Outre que ce n'est pas le sujet, et je crois là-dessus que son allocution au Prix de littérature de la Fondation Princesse des Asturies en dit long sur son rapport à la musique. la notion de mélodie peut donner lieu à de grandes réflexions (prenons le chant grégorien ou byzantin : la puissance de cette musique ne tient pas à ce qu'on appelle la «mélodie». Pour la mélodie, il faut voir Bach, Mozart, quelques autres. Peu importe. 

Si on se rappelle que la première chanson de Françoise Hardy (Tous les garçons et les filles de mon âge...) commençait par un accord de do sur lequel la note de tierce s'avachissait sur toute la longueur du premier vers (gna-gna-gna-gna....).... Ça, c'est de la mélodie ! Enfin, cette vieille dame avait toutefois chanté Suzanne, avec un très mauvais accent anglais (that's so frenchie!) condescendant à reconnaître à Leonard quelque talent. Je n'en dirai pas beaucoup plus laissant à Daniel Schneidermann (cliquez ici : clic) le soin de dire ce qu'il en est de la dame en question. 

J'avais écouté avec indulgence la série qui lui était consacrée sur France Inter cet été, négligeant ses côtés réacs qu'elle revendique. Comme beaucoup de ceux qui ont la chance d'en payer (j'en suis), elle n'aime pas payer ses impôts, Et le goût de l'astrologie, cette explication déterministe primaire, participe de l'idéologie d'abrutissement des masses. En fin de compte, je reste persuadé que la meilleure chose qu'elle ait faite, c'est Thomas Dutronc !

Enfin elle se rappelle toutefois Graeme Allwright, dont on avait cru que la chanson La ligne Holworth n'était plus d'actualité.

Je laisse Graeme, dont il faut rappeler qu'il fut le premier à populariser Leonard Cohen en France, donner sa version de L'étranger, version française de The stranger song de Leonard.

Passez un bon dimanche et sortez couverts, le froid s'installe !


samedi 12 novembre 2016

Le goût de la fumée


Prince of Asturias

En 2011, Leonard Cohen obtint le prix de littérature de la Fondation Princesse des Asturies. Un prix est toujours un peu dérisoire. Néanmoins ce fut l'occasion pour Leonard de parler de l'origine de sa musique et de son admiration pour Federico García Lorca.

Voici ce que raconte Leonard, et son récit est d'une émotion incroyable, notamment lorsqu'il évoque l'origine de sa musique.

"C'est un grand honneur de me tenir devant vous ce soir. Peut-être comme le grand maestro Ricardo Muti je n'aurai pas un orchestre, mais je ferai de mon mieux comme un artiste soliste ce soir.
La nuit dernière je suis resté à me demander ce que je pourrais dire à cette auguste assemblée. Et devant les cacahuètes et les boissons du minibar, j'ai griffonné quelques mots. Je ne crois pas devoir m'y référer. Evidemment je suis infiniment touché d'être reconnu par la Fondation. Mais je suis venu ce soir pour exprimer une autre dimension de la gratitude. Je pense que je peux le faire en trois ou quatre minutes et je vais essayer. 

Lorsque j'ai fait mes bagages à Los Angeles pour venir ici, j'ai eu un sentiment de malaise, parce que j'ai toujours ressenti de l'ambiguïté à propos du terme de poésie. 
La poésie provient d'un lieu que personne ne commande ni ne conquiert. Aussi je me sens un peu comme un imposteur si j'accepte ce mot pour une activité que je ne commande pas. En d'autres termes, si je savais d'où proviennent les bonnes chansons, j'en ferais bien plus souvent.

J'ai été obligé, au milieu de cette affaire de bagages d'aller ouvrir l'étui de ma guitare. Je possède une guitare des frères Condé, qui a été fabriquée en Espagne dans un grand atelier, au numéro 7 de la rue Gravenor, un magnifique instrument que j'ai acquis il y a plus de quarante ans. Je l'ai sortie de son étui, je l'ai soulevée, et elle semblait être remplie d'hélium, elle était si légère ! Et je l'ai portée à mon visage et je l'ai rapproché de ce beau dessin de la rosace et j'ai senti le parfum du bois vivant. Vous savez, le bois ne meurt jamais. J'ai senti le parfum du cèdre, aussi frais que le premier jour où j'ai acheté la guitare. Et la voix semblait me dire : tu es un homme âgé et tu n'as pas remercié. Tu n'as pas rendu le remerciement pour le sol d'où provient ce parfum. Alors je viens ici ce soir pour remercier le sol et l'âme de ces gens qui m'ont tant donné. Parce que je sais qu'une carte d'identité ne fait pas un homme. Une cotation financière n'est pas un pays. Maintenant vous connaissez ma profonde similitude de vue avec le poète Federico García Lorca. Je voudrais dire que lorsque j'étais jeune homme, adolescent, et affamé d'apprendre ce qu'était une voix, j'ai étudié les poètes anglais, et je connaissais bien leurs œuvres. Et j'ai copié leurs styles. Mais je n'ai pas pu trouver leur voix. 

C'est seulement lorsque j'ai pu lire, même dans une simple traduction, les œuvres de Lorca que j'ai compris qu'il y avait une voix, Ce n'est pas que j'ai copié son chant, je ne l'aurais pas fait, mais il m'a donné licence pour trouver une voix, comprendre d'où elle venait, comprendre qu'elle vient de soi, d'elle-même, un soi qui n'est pas figé, mais qui se trouve dans un combat pour sa propre existence. Et quand je suis devenu plus vieux, j'ai compris que les indications arrivaient avec cette voix. Quelles sont ces indications ? Elles disent qu'elles n'arrivent jamais par hasard, et que les mots doivent être définis par la dignité et la beauté. Ainsi, j'avais une voix, mais je n'avais pas d'instrument. Je n'avais pas de chanson. Et je vais vous raconter très rapidement, comment j'ai pu trouver ma chanson. Parce que j'étais un mauvais joueur de guitare. J'étouffais mes accords. Je n'en connaissais que quelques uns; j'étais assis avec mes amis du collège à boire et à chanter des chansons folks et les chansons populaires à la mode, et  en faisant ainsi, en mille ans je n'aurais jamais pu être un musicien ou un chanteur. 

Un jour, au tout début des années 1960, j'allais voir ma mère à sa maison de Montréal. La maison est à côté d'un parc et dans le parc il y a un court de tennis. Là, beaucoup de gens viennent regarder jouer les jeunes et beaux joueurs qui prennent plaisir à ce sport. Et comme je quittais le parc, il y avait là un jeune homme qui jouait de la guitare. Il jouait de la guitare flamenco, et il était entouré par deux ou trois garçons et filles qui l'écoutaient. J'adorais la manière dont il jouait : c'était fascinant, c'était la manière dont je voulais jouer et je savais que je n'aurais jamais été capable de jouer ainsi. Alors je me suis assis à côté de lui un moment, et quand il a eu fini, il y a eu un silence, un silence bienvenu. Et je lui ai demandé s'il voulait bien me donner des leçons de guitare. Ce jeune homme venait d'Espagne. Et nous ne pouvions communiquer qu'avec mon mauvais français et avec son mauvais français à lui. Il ne parlait pas anglais. Alors nous sommes tombés d'accord pour des leçons de guitare. Je lui ai montré la maison de ma mère qu'il pouvait voir depuis le court de tennis, et nous avons pris rendez-vous. Nous nous sommes entendus sur un prix, et le jour suivant, il est arrivé et m'a dit : " Joue-moi quelque chose". J'ai essayé de jouer quelque chose, et il m'a dit: " Tu ne sais pas jouer, n'est-ce pas ?" J'ai dit: "Non, je ne sais pas jouer". "D'abord, il faut l'accorder. Laisse-moi l'accorder. Ce n'est pas une mauvaise guitare". Il l'a accordée, et il m'a dit : " Maintenant, joue." Je ne savais pas vraiment jouer. Il m'a dit: "Laisse-moi te montrer quelques accords." Alors il a pris la guitare, et j'ai entendu des sons que je n'avais jamais entendus jusqu'alors. et il a joué une séquence d'accords avec des vibratos. Et il m'a dit: "Maintenant, refais-le". J'ai dit: "Je ne sais pas". Il m'a dit : "Mets tes doigts sur les frettes, comme ça. Maintenant, joue." "J'ai joué, c'était un désastre". Il a dit "Je reviens demain". Le lendemain, il est revenu, il a mis mes mains sur la guitare, il m'a placé correctement, et il m'a appris six accords de flamenco. C'était déjà un peu mieux. Le troisième jour je m'étais encore amélioré, et avec les six accords, en plaçant mes doigts et mon pouce j'arrivais à produire le bon vibrato. Maintenant je connaissais les accords, et très, très bien. 

Le jour suivant il n'est pas venu. Mais j'avais le numéro de téléphone de la pension de famille où il était descendu à Montréal. J'ai appelé pour savoir pourquoi il n'était pas venu à son rendez-vous. Et on m'a dit qu'il s'était suicidé. Je ne savais rien de cet homme. Je ne savais pas de quelle région d'Espagne il venait. Je ne savais pas pourquoi il était venu à Montréal. Je ne savais pas pourquoi il était venu jouer à côté de ce court de tennis, je ne savais pas... Je ne savais pas pourquoi il s'était suicidé. J'étais profondément attristé, bien évidemment. Mais maintenant je peux vous dire ce que je n'ai jamais dit en public. Ce sont ces six accords, c'est cette manière de jouer de la guitare qui a été la base de toutes mes chansons et de toute ma musique. Maintenant vous pouvez comprendre la signification de la gratitude que j'éprouve vis à vis de ce pays. Tout ce que que vous avez pu apprécier de ma musique provient d'ici. Tout ce que vous avez pu apprécier dans mes chansons et dans ma poésie est inspiré par ce sol. Aussi je vous remercie infiniment pour la chaleur et l'hospitalité que vous avez montrées pour mon travail, car il est vôtre, et vous m'avez permis d'apposer ma signature au bas de la page.

Merci infiniment, Mesdames et Messieurs."


vendredi 11 novembre 2016

Leonard Cohen - The song of the hellenist

The song of the hellenist
 (for R.K.)

Those unshadowed figures, rounded lines of men
who kneel by curling waves, amuse by ornate birds –
If that had been the ruling way,
I would have grown long hairs for the corners of my mouth...

O cities of the Decapolis across the Jordan
you are too great; our young men love you,
and men in high places have caused gymnasiums
to be built in Jerusalem.
            I tell you my people the statues are too tall.
            Beside them we are small and ugly,
            Blemishes on the pedestal.

Portrait from a room - 1969
Leonard Cohen à Hydra par Marcelle Maltais
My name is Theodotus, do not call me Jonathan.
My name is Dositheus, do not call me Nathaniel.
            Call us Alexander, Demetrius, Nicanor…

“Have you seen my landsmen in the museums,
the brilliant scholars with the dirty fingernails,
standing before the marble gods,
            underneath the lot?”
Among straight noses, natural and carved,
I have said my clever things thought out before;
jested on the Protocols, the cause of war,
            quoted “Bleistein with a Cigar.”

And in the salon that holds the city in its great window,
in the salon among the Herrenmenschen,
among the close-haired youth, I made them laugh
when the child came in:
            “Come, I need you for a Passover Cake.”
And I have touched their tall clean women,
thinking somehow theyr are unclean,
            a scaleless fish.
They have smiled quietly at me,
and with their friends–
            I wonder what they see.

O cities of the Decapolis,
call us Alexander, Demetrius, Nicanor…
            Dark women, soon I will not love you.
My children will boast of their ancestors at Marathon
And under the wall of Troy,
            And Athens, my chiefest joy–

O call me Alexander, Demetrius, Nicanor…

Let us compare mythologies - 1956

You're gone

You're gone...
Tu es parti, Leonard. Tu as rejoint Marianne. 
Faut-il que le chaos de ce monde soit aussi détestable, qu'il faille ainsi s'effacer quand la joie des corps à disparu, quand celle de l'esprit s'est étouffée sous l'absence de soleil ?
La grande nuit recouvre le monde et le temps des holocaustes est annoncé. Il ne s'est d'ailleurs jamais arrêté, ce que tu savais.

Un imperméable bleu déchiré à l'épaule est accroché au vieux porte-manteau.
Je vois encore une mule monter les rues étroites et claires d'Hydra comme un chemin du ciel.
Assis sur un muret je regarde les jours qui passent et repars avec le vent.
J'essaie de marcher dans tes pas.
J'ai vu un garçon sur le dernier bateau qui s'est estompé dans la foule et suis parti à sa recherche.

Il y a ta limousine arrêtée sur le chemin. Tu m'as fait un signe avant qu'elle ne parte.
Je sais que tu es avec moi. Your perfect chord touched my mind on the road. 
I'm still walking. For few time.

dimanche 6 novembre 2016

...Et j'ai lu tous les livres...

...de ta bibliothèque !

Trio Joubran - Laytana

La musique du Trio Joubran, originaire de Palestine, est un plaisir d'intelligence et de sensibilité. L'oud, devenu luth en Occident, est un magnifique vecteur de la culture commune qui sait encore s'exprimer autour de la Méditerranée.

Ce matin le soleil caresse les Cévennes. Passez un bon dimanche.

samedi 5 novembre 2016

Une même direction

L'enfant sauvage

En 1970 François Truffaut sortit L'enfant sauvage. Deux ans après 1968, la société s'interrogeait sur l'état de nature : Lucien Malson avait publié Les enfants sauvages en 1964 reprenant le livre de Jean Itard Victor de l'Aveyron dans lequel le médecin racontait l'aventure de l'enfant trouvé, muet qui était retourné à l'état sauvage.
Depuis Jean-Jacques Rousseau la question reste posée : quels rapports à la nature l'être humain entretient-il qui lui propose une meilleure possibilité d'être humain à lui-même ? La nature sauvage est-elle cet idéal de vie qui a tenté nombre de groupes humains, sans toutefois apporter de solution définitive ?...


Après l'eau

jeudi 3 novembre 2016

Où se posent les fleurs est celui qui sommeille

La guerre civile en Grèce

On connaît très mal en France l'histoire de la guerre civile en Grèce qui a succédé à la Seconde Guerre mondiale.
L'émission de Patrice Gélinet évoquait ce sujet il y a quelques années sur France Inter.


mardi 1 novembre 2016

Surgissement aquatique


La forma della città

La ville comme forme idéale. Existe-t-elle autrement que dans le regard de celui qui pense la voir ? Que pourrait-être la cité ? Une Jérusalem céleste, dont les différents éléments auraient été pensés par un patriarche bienveillant ? Un bidonville, à l'image de ceux qui se sont formés dans les années les plus industrielles de l'Europe, de ceux qui continuent d'exister encore davantage aujourd'hui, sous les ponts, dans les sous-bois, accueillant indistinctement les délaissés qui sont dépourvus du toit acceptable dans la cité du monarque bienveillant ?
La ville comme allégorie de la vie en société, quand cette même société est saturée de toute chose, jusqu'à ses habitants eux-mêmes qui ne sont pas beaucoup plus que des meutes grouillantes dans l'incapacité de recevoir ceux qui n'ont plus de cité. Le joli mot de jungle pour ne pas utiliser celui de ville... N'est-ce pas une étrange dérision que d'assister à un démantèlement d'une ville que l'on refuse à des étrangers que l'on refuse également ? Il fut un temps où les étrangers n'étaient acceptables que dans des camps fermés de barbelés, séparant d'un côté les femmes et les enfants, de l'autre les hommes. Contagion, contamination redoutée, provoquée en entassant sur le sable ceux qui n'avaient déjà plus de nom.
Les cités sont devenues les étouffoirs les plus opaques, trous noirs dont aucun interstice ne peut laisser s'échapper la moindre parcelle de lumière.
Cités obscures, en effet.

Cité, si fragile, de ces murs effondrés d'Amatrice, de Norcia : les derniers pas de l'homme se dirigent sur le sable pour y achever son parcours.