Je préfère le dissensus dur au caramel mou

Je préfère le dissensus dur au caramel mou
Medusa – Il Caravaggio

Parfois on aimerait, face à la violence du monde, qu’un garçon vous prenne dans ses bras et murmure : « Ça ira, je suis là, on connaîtra des jours meilleurs… »

mardi 10 octobre 2017

49 years ago

Voici quelques photos que je ne présenterai pas l'an prochain, alors que ce sera le cinquantième anniversaire de mai 68. Depuis, que de détracteurs cette période symbolique a-t-elle vu apparaître ! Il faut être très ignorant, très con, souvent les deux pour penser que ce moment assez exceptionnel de l'histoire où le mouvement ouvrier et le mouvement estudiantin dansent ensemble une danse d'amour qui finit par une éjaculation précoce qu'on appelle «les accords de Grenelle» n'a fait que détruire les fondements de la belle civilisation française. Mais non, ce n'est pas «Mai 68» qui est coupable - ou alors il faut le mettre en accusation avec les preuves qui s'imposent- mais bien plutôt l'hyperlibéralisme qui se défait de tout ce qui peut avoir nature de coût pour l'économie profitable. Actuellement, on brade les transports en commun en province, sans compter les hôpitaux, dans lesquels les médecins venus d'Europe de l'Est, puisqu'on peut moins les payer, croulent sous l'affluence des urgences. Mais il paraît qu'il y a des gens optimistes. Finalement ce que disais à mes amis grecs, il y a quelques années lorsque commençait vraiment la crise en Grèce, se réalise : je leur disais qu'ils n'avaient qu'un temps d'avance sur la destruction de la société par l'économie hyperlibérale au nom de la comptabilité bancaire.

On crève aujourd'hui en Grèce faute de soins, et on commence à crever également en France faute de soins également: on sait que beaucoup de gens ne vont plus chez le dentiste car leur mutuelle, quand il en ont une, ne couvre qu'une très faible partie des soins. Et les maladies reviennent en force. Nous parlions du sida. Il affecte les seniors maintenant de manière plus importante  qui s'imaginent peut-être que sur les peaux tannées par le temps le virus aurait plus de difficultés à pénétrer les muqueuses... Naïveté contre abstinence ?

Enfin, mai 68. Etant encore très jeune alors, je n'en garde que de très bons souvenirs, et déjà j'entendais les propos réacs de ceux qui croyaient aux complots castristes. Ces photographies sont devenues le symbole des pieds de nez que la jeunesse opposait au vieux monde: «Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi!» Malheureusement le vieux monde a rattrapé la société en bien des points. La grande faucheuse a fait sa récolte de tant de beaux esprits, tant d'artistes dont le souvenir éclaire encore aujourd'hui mes pensées et mes émotions !

« Nous sommes tous des dissous en puissance, nous sommes tous des juifs et des Allemands...» chantait Dominique Grange, la compagne de Jacques Tardi. Le rouquin sympa évoqué dans la chanson était Daniel Cohn-Bendit, qui était devenu le parangon du gauchisme ordinaire. Très anticommuniste également, ce qu'il est resté. Et dans la mouvance des Grünen parmi lesquels il a surtout mené sa carrière politique entre autres activités. Mais bon sang, quel aveuglement idéologique, lui aussi, totalement voué au libéralisme au prétexte de casser les frontières ! Ce en quoi il se trompe, par manque d'une réflexion politique réelle. L'idée de vouloir faire des listes européennes internationales, c'est-à-dire de monter des listes qui permettrait de mélanger des candidats de différents pays, idée défendue par Emmanuel Macron récemment auprès d'Angela Merkel, est de lui. Car en plus Daniel Cohn-Bendit est fervent macroniste, et apparemment conseiller du président, puisque hyperlibéral, c'est assez logique.

J'ai vu récemment une vidéo dans laquelle il aboyait, il n'y a pas d'autre terme, sur Emmanuel Todd parce que ce dernier dénonçait l'accord Alsthom-Siemens qui offre l'entreprise pieds et poings liés aux investisseurs allemands. Enfin, tout cela serait assez risible après tout, si l'on s'amuse à rapporter tout cela au temps long de l'histoire.

Un mot seulement pour parler du tragique destin de Gilles Caron qui a pris ces photos remarquables, disparu au Cambodge en 1970 à l'âge de trente ans. Les années 1960-1970 sont encore dans ces moments terribles où la décolonisation précède les guerres «ethniques». Gilles Caron couvre, comme l'avait fait avant lui Robert Capa auquel on peut le comparer, différentes guerres et événements tragiques : Guerre des Six-jours, Biafra, événements d'Irlande du Nord, revient en Tchécoslovaquie après l'écrasement de Prague par les chars soviétiques. Il est sans doute victime de la reprise du Cambodge par les Khmers rouges.

On apprécie dans les photographies suivantes son sens de l'instant, celui dont parlait Henri Cartier-Bresson par l'expression d'«instant décisif», c'est-à-dire le moment par lequel se fixe un tournant d'une histoire.
Photo Gilles Caron





Hommage donc à Gilles Caron pour mai 68. Le papet Cohn-Bendit a encore un peu de temps devant lui.

Photo Gilles Caron

Photo Gilles Caron
Les couleurs ont changé avec le sens de l'autosatisfaction. Photo Jecépa





2 commentaires:

joseph a dit…

J'allais vers mes vingt ans mais ily avait déjà plus d'un an que ce fourmillement d'idées vers une éducation moins directive avait essaimé dans de jeunes esprits (notre titulaire de classe nous avait menacé de revenir au baton de l'interrogation surprise parce qu'on contestait la nécessité de transbahuter des livrets de chants )et en classe de poésie, j'obtenais de faibles notes car je remettais en cause des "diktats " religieux? mais ce que j'ai retenu ce fut surtout la fuite ou exil forcé du Général de Gaulle avant son intervention à la radio -la télé n'ayant pas encore franchi les murs de la maison- mais aussi pas de festival de cannes et les 24 heures du Mans reléguées à septembre

Celeos a dit…

Le côté "on arrête tout et on réfléchit" avait un aspect plus que sympathique... On avait perdu de Gaulle!